C’est un monde qui meurt avec Marcel Ophuls, l’auteur du célébrissime Chagrin et la pitié, documentaire qui fit en son temps (1969) exploser le couvercle de la marmite collaborationniste et antisémite française. Ce monde, brillant et cosmopolite, pétillant de culture et d’esprit, puise ses racines dans la Mitteleuropa des années 1930, passe par les Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale, s’achève aujourd’hui en France, riche de jours et de succès, mais plus encore de souffrances et de combats. Peu nombreux sont ceux qui peuvent encore se targuer d’un tel parcours. Le réalisateur est mort samedi 24 mai dans sa maison du sud-ouest de la France à l’âge de 97 ans, a annoncé son petit-fils Andreas-Benjamin Seyfert.
Marcel Ophuls était né le 1er novembre 1927 à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne. Il est le fils de Max Ophuls, cinéaste juif allemand d’envergure, et de l’actrice Hilde Wall. Cinq années plus tard, avec l’accession d’Hitler au pouvoir en janvier 1933, la famille plie bagage et s’installe en France. Le séjour n’y dure guère, les nazis s’entêtant à le gâcher en poursuivant les Ophuls jusque dans l’Hexagone. On refait les valises en 1941, fuyant à travers le sud-ouest de la France où, bien plus tard, fâché avec à peu près la terre entière, Marcel achètera une maison à Lucq (Pyrénées-Atlantiques) avec vue solitaire et permanente sur la fuite de son enfance. Certains événements marquent un homme au fer rouge : la fuite éperdue d’une famille d’intellectuels devenus des parias à travers l’Europe nazifiée est de ceux-là.
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