Il suffit parfois d’un visage et d’une voix pour qu’un grand moment de théâtre advienne, l’un de ces moments dont on sait qu’il s’inscrira pour toujours dans la mémoire, avec la force d’une question existentielle irrésolue. Ce miracle, que l’on cherche inlassablement et que l’on trouve si rarement au théâtre, advient à la toute fin d’un spectacle, par ailleurs magistral de bout en bout, qui voit le retour du metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski à Paris : Elizabeth Costello. Sept leçons et cinq contes moraux, à voir au Théâtre de la Colline.
Ce visage de vieille femme, qui s’offre dans toute sa nudité bouleversante, frémissant de doute et de détermination, c’est celui de Maja Komorowska. Une grande dame, dans tous les sens du terme, âgée de 87 ans, dont il est peu de dire qu’elle est une légende dans son pays (pays qui, comme dans tout l’est de l’Europe, aime ses acteurs à l’égal de guides spirituels).
Alignées comme sur une fiche ou un tableau de chasse, les étapes de son parcours donnent le vertige : Jerzy Grotowski, Krystian Lupa, Krzysztof Warlikowski, Andrzej Wajda, Krzysztof Kieslowski, Krzysztof Zanussi… Des rôles qu’elle joue sur scène depuis plus de trente ans, comme celui de Winnie dans Oh les beaux jours, de Samuel Beckett. Des récitals poétiques qui font salle comble, où le public vient comme pour recevoir une leçon de vie.
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