Y penser toujours, n’en parler jamais et faire des réformes minimales : telle fut durant trente ans la position des gouvernements de droite sur les fonds de pension. Dangereux politiquement, rejeté par les syndicats et la gauche, éclipsé par les réformes ayant maintenu les régimes par répartition à flot, le scénario de l’introduction d’une dose de capitalisation dans le système français revient en force, surtout porté par l’ancien premier ministre Edouard Philippe, qui veut l’inscrire au cœur des débats de la campagne présidentielle de 2027, dans le cadre plus large du sauvetage d’un Etat-providence menacé de cessation de paiements.
Tout le monde peut au moins s’entendre sur le diagnostic, posé par la Cour des comptes dans un rapport publié lundi 26 mai. Il est alarmant. Toutes branches confondues, le déficit de la Sécurité sociale sera multiplié par deux d’ici à 2028. L’Assurance-maladie en est la première responsable avec un « trou » de 13,8 milliards d’euros en 2024 ; le régime de retraite de base y contribue aussi, même s’il n’est déficitaire « que » de 5,6 milliards et si les caisses complémentaires du secteur privé (Agirc-Arrco) sont bénéficiaires. La trajectoire financière du régime général à moyen terme, comme celle de l’Etat, est « hors de contrôle », alertent les magistrats de la Rue Cambon, qui n’excluent plus un défaut de paiement de certaines prestations.
Le financement des retraites est un ouvrage remis sur le métier depuis trois décennies. En 1991, la situation financière et démographique n’était pas aussi critique, et le Livre blanc de Michel Rocard recommandait notamment un allongement de la durée de cotisation. Le premier ministre d’alors souhaitait « le plus large accord sur les données, les perspectives, les solutions » entre les partenaires sociaux pour équilibrer le système. Tout juste proposait-il d’« inciter les entreprises à enrichir le contrat de travail d’une dimension de salaire différé sous forme de fonds de pension ». Le débat, très polémique, était lancé.
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