Une relecture tranchante de Bertolt Brecht, une esthétique déterminée, une confiance dans la poétique théâtrale : avec sa mise en scène de Mère Courage (adapté de Mère Courage et ses enfants), Lisaboa Houbrechts met un pied dans la cour des grands. Et fait oublier la déception vécue devant sa Médée, en 2023, à la Comédie-Française.
Née en 1992, cette artiste belge donne à la pièce mythique du dramaturge allemand l’impulsion qui lui permet de frapper fort au cœur d’un XXIe siècle en déshérence. Proposée en première française à Valenciennes (Nord), au Phénix (théâtre qui l’accompagne depuis 2019), actuellement en tournée à l’étranger avant des dates parisiennes en juin, sa représentation déjoue les fondamentaux brechtiens en déplaçant le propos vers de fructueux horizons métaphoriques. Ni psychologique ou émotionnel ni pédagogique ou même distancié, le spectacle échappe aux grilles de lecture habituelles pour s’ancrer dans l’archétypal et se river dans l’opacité des ténèbres qui gagnent du terrain d’est en ouest.
Noir est le plateau, sombre est l’ambiance, crépusculaire sera le sort de la cantinière Anna Fierling, plus connue sous le nom de Mère Courage. Une vertu dont la substance est mise en crise par la metteuse en scène. Incarné par Lubna Azabal, actrice teigneuse (c’est une qualité), le personnage prête le flanc à l’ambiguïté. Courageuse, oui. Mais aussi cynique, égoïste et opportuniste : son profil n’a rien d’univoque.
Il vous reste 73.72% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.