C’est avec stupéfaction que les magistrats, et plus largement les membres de la communauté judiciaire, ont pris connaissance de la lettre qui leur a été adressée, le 11 mai, par Gérald Darmanin, garde des sceaux, dans laquelle il annonce sa volonté de mettre en place une procédure de plaider-coupable en matière criminelle.
Selon le ministre, qui s’appuie sur les travaux de la mission d’urgence relative à l’audiencement criminel et correctionnel mise en place par son prédécesseur Didier Migaud, cette mesure aurait pour effet de désengorger les cours criminelles départementales et les cours d’assises, dont l’embolie est particulièrement alarmante, en instituant une procédure plus souple et plus rapide.
D’un point de vue technique, elle prendrait la forme d’un « deal » entre le procureur et l’accusé qui, à l’issue d’une phase de négociation, s’entendraient sur une peine, ensuite simplement homologuée par un juge, sans véritable débat sur le fond. La victime, quant à elle, aurait la possibilité de valider ou de s’opposer à la procédure de plaider-coupable.
Négociation de couloir
Les choses doivent être dites clairement : l’institution d’une telle procédure serait catastrophique, que ce soit pour la société, les victimes ou les accusés.
Elle serait catastrophique pour la société, car elle priverait l’ensemble des citoyens d’une véritable audience où des faits criminels, qui constituent les plus graves violations du pacte social, sont débattus oralement et publiquement. L’audience publique serait remplacée par une négociation de couloir, opaque et sans aucune vertu cathartique ou pédagogique. Pour en donner une illustration éclatante, soulignons qu’avec le plaider-coupable, il n’y aurait peut-être pas eu le procès des viols de Mazan, et encore moins celui de Joël Le Scouarnec…
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