Deux chars d’assaut de l’armée israélienne franchissent la porte pratiquée dans une épaisse barrière et s’aventurent sur une piste de terre qui serpente dans des collines aux tons pastel. Les habitants de Majdal Shams, bourg druze situé dans le nord du plateau du Golan, occupé par l’armée israélienne depuis 1967, regardent le spectacle, l’air médusé. « On n’a pas vu les forces israéliennes opérer là-bas depuis 1973 et la guerre du Kippour », lâche Wassim Safadi, un journaliste local.
« Là-bas », c’est la zone de séparation entre la partie contrôlée par l’Etat hébreu et la Syrie, mise en place en 1974, et où sont déployés un millier de soldats appartenant à la Force des Nations unies chargée d’observer le désengagement (Fnuod). Avant même la fuite de Bachar Al-Assad et l’effondrement du régime syrien, dimanche 8 décembre, les troupes israéliennes ont franchi, samedi, la ligne de démarcation, délimitée par une barrière. Le mouvement s’est poursuivi dimanche matin, quand les forces de sécurité syriennes se sont évanouies.
Rowaida Hamad, mère de famille druze, née à Damas, et mariée à l’un de ses coreligionnaires de Majdal Shams, est venue sur le terre-plein dit des « porte-voix », en contrebas de la ville. C’est de cet endroit que les familles de cette minorité confessionnelle, répartie entre la Syrie, le Liban et Israël, échangent par-delà la barrière de séparation avec leurs proches vivant de l’autre côté. Elles sont nombreuses mercredi 11 décembre dans l’après-midi, inquiètes d’avoir des nouvelles.
« Accord caduc »
Une partie de la famille de Rowaida vit à Hadar, village druze en territoire syrien, situé juste à
la lisière de la zone de séparation : « Ma famille était chez elle dimanche matin quand elle a appris la fuite de Bachar Al-Assad. Les services de sécurité étaient déjà partis, en abandonnant leurs armes et leurs uniformes. Puis l’armée israélienne s’est positionnée autour du village, tout en laissant un accès ouvert vers Damas. Je suis heureuse de savoir que tout va bien et que ce n’est pas le chaos. » Elle ne rêve que de prendre sa voiture et d’aller voir les siens. « Un jour peut-être », soupire-t-elle. L’unique point de passage entre la partie occupée par Israël et la Syrie est fermé depuis 2011.
A côté, Rima Safadi communique par téléphone avec son frère, qui a franchi la zone de séparation dans les années 1970 pour aller vivre côté syrien. Elle lui demande de sortir de chez lui. A un kilomètre à vol d’oiseau, une silhouette émerge d’une petite maison. « Mon chéri, mon âme, je suis tellement heureuse de te voir », dit cette femme de 49 ans, cheveux poivre et sel, débordant d’émotion, alors que les chars se déploient doucement sur les collines avoisinantes. Ils appartiennent à la 210e division, dite Bashan, chargée du front syrien.
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