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« Un grand et beau projet de loi » (One Big Beautiful Bill Act). L’intitulé du texte adopté en première lecture, jeudi 22 mai, par la Chambre des représentants est à l’image de Donald Trump : sans nuance, simpliste et vantard.

Grand, le projet l’est incontestablement. Il regroupe l’essentiel de ses priorités législatives et budgétaires, de la reconduction de réductions d’impôts au financement des expulsions de migrants illégaux, en passant par des coupes claires sur les aides sociales et l’augmentation des dépenses militaires. Concernant sa beauté supposée, l’appréciation reste plus subjective.

Sur le plan politique, il s’agit incontestablement d’un succès, même s’il a été obtenu à une voix près. Son adoption a été facilitée par l’affaiblissement du camp démocrate, qui a été frappé par trois décès de représentants depuis le début de l’année. Mais il a fallu aussi que le président américain pèse de tout son poids pour arracher l’adhésion du Parti républicain. Cet obstacle franchi, la loi doit maintenant être débattue au Sénat, avec en ligne de mire une adoption avant le 4 juillet.

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Quant à l’équilibre général du texte, il laisse plutôt à désirer. Pour prolonger les baisses d’impôts décidées lors de son premier mandat, Donald Trump est revenu sur sa promesse électorale de ne pas couper dans les aides sociales. L’assurance-santé des plus démunis est menacée d’être amputée, privant ainsi plusieurs millions d’Américains de couverture. Tandis que le volet fiscal fait la part belle aux plus riches, les 40 % les plus pauvres verront leurs conditions de vie se dégrader.

Les bailleurs de fonds et les marchés financiers auront également du mal à apprécier la « beauté » de la loi, qui va creuser le déficit budgétaire et gonfler la dette publique. Selon des estimations indépendantes, celle-ci devrait s’alourdir de 3 300 milliards de dollars, faisant passer le ratio sur PIB de 98 % à 125 % d’ici à la fin de 2034.

L’agence de notation financière Moody’s, qui a dégradé la note souveraine des Etats-Unis le 16 mai, table désormais sur un déficit annuel de 9 % du PIB d’ici dix ans, contre 6,4 % en 2024. Du jamais-vu en période de paix. Cette fuite en avant est assumée, alors que les intérêts de la dette s’élèvent déjà à 880 milliards de dollars par an, plus que le budget de la défense et de Medicare (assurance-maladie des personnes âgées et des invalides) réunis.

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La dette américaine restait soutenable tant que les Etats-Unis disposaient de la monnaie de réserve mondiale et que les bons du Trésor américains étaient considérés comme les actifs les plus sûrs, incitant le reste du monde à financer leurs déficits. Mais la guerre commerciale lancée par Donald Trump a fragilisé le statut de valeur refuge des actifs américains. Les investisseurs réclament désormais des rendements plus élevés sur les bons du Trésor, ce qui a pour effet de renchérir le coût de la dette.

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La vive réaction des marchés obligataires en avril, provoquée par l’augmentation généralisée des droits de douane, avait poussé la Maison Blanche à faire marche arrière. M. Trump a néanmoins relancé ses menaces, vendredi 23 mai, en promettant d’appliquer des taxes de 50 % sur les exportations européennes. L’adoption en première lecture du « Big Beautiful Bill Act » a ravivé les tensions chez les investisseurs. La hausse des taux d’intérêt à dix et trente ans témoigne de l’inquiétude croissante sur la capacité des Etats-Unis à faire face au mur de la dette. Une fois encore, les marchés pourraient faire office de juge de paix.

Le Monde

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