Trois hommes de nationalité serbe ont été mis en examen et écroués à Paris jeudi soir, suspectés d’avoir dégradé des lieux juifs avec de la peinture verte le week-end dernier « dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère », a appris, vendredi 6 juin, Le Monde de source judiciaire, confirmant une information de l’Agence France-Presse (AFP).
Une source judiciaire a précisé que ces Serbes, dont deux sont nés en 1995 et un en 2003, avaient été mis en examen jeudi soir tard, après l’ouverture d’une information judiciaire par le parquet de Paris. Ils sont mis en cause pour dégradations sur biens privés, d’un bien classé et d’un édifice de culte, ces trois infractions ayant été commises en réunion, en raison de la religion ou de l’ethnie supposée, et dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère.
Ces infractions sont passibles de vingt ans de détention criminelle et de 300 000 euros d’amende. Selon une source proche du dossier citée par l’AFP, les enquêteurs suspectent la Russie d’avoir instigué ces actions. La Serbie n’a jamais coupé ses liens historiques et politiques avec la Russie, et n’a imposé aucune sanction à Moscou depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Plusieurs vols quotidiens relient Moscou à Belgrade, où se sont installés plusieurs dizaines de milliers de Russes ces trois dernières années. Contactés par l’AFP, les ministères de la justice et des affaires étrangères serbes n’avaient pas répondu vendredi.
Deux suspects placés en détention provisoire
Selon la source proche du dossier, les mis en cause auraient échangé des messages sur Telegram avec d’autres protagonistes qui n’auraient pas été interpellés à ce stade. Les trois hommes, présentés par cette source comme des exécutants simplement motivés par une rémunération mais sans conscience des enjeux géopolitiques, avaient été interpellés lundi dans les Alpes-Maritimes alors qu’ils s’apprêtaient à quitter le territoire.
Deux d’entre eux ont été placés en détention provisoire, la justice se prononcera en milieu de semaine prochaine sur la détention du troisième, selon la source judiciaire. Selon la source proche du dossier citée par l’AFP, les trois suspects sont deux frères et un troisième homme déjà établi en France depuis plusieurs années. Sollicités, leurs avocats n’ont pas réagi dans l’immédiat ou n’ont pas souhaité commenter.
Dans la nuit de vendredi à samedi, ces hommes sont suspectés d’avoir aspergé de peinture verte le Mur des noms du Mémorial de la Shoah, deux synagogues et un restaurant de la communauté juive, situés dans le 4e arrondissement de la capitale, et une synagogue du 20e arrondissement. Les faits ont été découverts au petit matin par des policiers en patrouille et l’enquête a été confiée à la sûreté territoriale. Les caméras de surveillance du Mémorial et de deux synagogues ont capté des images de plusieurs hommes vêtus de noir. Un filmait et un autre lançait de la peinture, selon la source proche. Aucun message ni revendication n’a été trouvé sur place.
Multiplication des opérations d’ingérence en France
Ces actes ont été immédiatement condamnés par le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, et l’ensemble du spectre politique, et ont provoqué la colère d’Israël. La piste d’une opération de déstabilisation venue de l’étranger a rapidement été envisagée par les enquêteurs.
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« Dès le départ, nous avons pensé à une opération de cet ordre, compte tenu des similitudes avec le mode opératoire » utilisé pour les tags de mains rouges sur le Mémorial de la Shoah, en mai 2024, a confié en début de semaine à l’AFP une source proche de l’enquête. Dans cette affaire, trois Bulgares ont été mis en examen fin 2024. Ces tags, symboles pouvant être liés au lynchage de soldats israéliens à Ramallah en 2000, ont été analysés par les services de sécurité comme une opération d’ingérence de la part de russophones. A l’automne 2023, deux Moldaves ont été interpellés pour avoir tagué des étoiles de David sur des façades d’immeubles parisiens, dans une autre opération présumée d’ingérence.
Viginum, l’organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères, a affirmé début mai que près de 80 opérations de désinformation ont été menées en ligne entre fin août 2023 et début mars 2025 par « des acteurs russes » ciblant principalement le gouvernement ukrainien et les pays soutenant l’Ukraine, dont la France.