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Sur la place de Baalbek, qui surplombe les somptueuses ruines romaines, Ahmad Haydar s’affaire à remettre en ordre son petit café, Odéon. L’activité avait cessé pendant l’offensive israélienne au Liban, du 23 septembre au 27 novembre. Mais de rares habitants restés sur place se retrouvaient au café, pour se donner du courage. Avec la trêve fragile entre Israël et le Hezbollah, la vie reprend doucement dans la ville de la plaine de la Bekaa, traumatisée et triste. « Le silence à Baalbek était terrifiant », se souvient Ahmad Haydar, qui y faisait des allers-retours sous les bombes. Les jours s’annoncent rythmés par les condoléances. « Tout le monde se connaît. Il y a eu tant de morts. »

Selon Bachir Khodr, le gouverneur de la région de Baalbek-Hermel, qui englobe la cité antique, 960 personnes ont été tuées dans la zone par les frappes israéliennes en deux mois de guerre, « en majorité des civils ». La région est un territoire d’influence du Hezbollah. Deux figures de la ville ont péri : Bilal Raad, 58 ans, le chef de la défense civile (un organisme de l’Etat) de Baalbek-Hermel, tué le 14 novembre dans le bombardement du centre des secouristes de Douris, localité accolée à la ville. Et Ali Allam, trentenaire, directeur de l’hôpital Dar Al-Amal, situé également à Douris, tué le 22 novembre dans sa maison. Son portrait est apposé sur plusieurs façades de Baalbek, ville mixte à majorité chiite, qui compte 80 000 habitants.

Ordre d’évacuation

Sur le site des secouristes de Douris, des bouts de fer tordus émergent de l’amas de ruines. Une tenue de la Défense civile a été accrochée. Les restes de Bilal Raad ont été identifiés par des tests ADN. Une dizaine d’autres personnes ont été tuées, dont plusieurs de ses collègues. Lui était connu pour foncer, à chaque déflagration, afin d’extraire blessés et morts. Il avait sillonné les rues de Baalbek pour appeler les habitants à partir, quand la ville tout entière était placée sous un ordre d’évacuation israélien, le 30 octobre, et donc sous la menace de bombardements.

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Le soir de la frappe du 14 novembre, « des secouristes affiliés au Hezbollah s’étaient réfugiés à la caserne de la défense civile, explique une source au fait du dossier. Au nom des relations humaines dans la région, Bilal ne pouvait pas dire non. Il n’était pas avec le Hezbollah. Et quand bien même ces hommes étaient affiliés, c’étaient des secouristes, protégés par le droit. » A ses yeux, le ciblage du centre, comme celui de la maison d’Ali Allam, le directeur de l’hôpital, « qui n’était pas affilié, portait un message : aider quelqu’un du Hezbollah, avoir des relations avec quelqu’un du Hezbollah, c’est devenir une cible ». Selon une source humanitaire, Ali Allam a été tué alors que le chef des secouristes du Hezbollah pour la Bekaa, Bilal Qataya, se trouvait chez lui – alors qu’« il ne l’avait même pas invité », précise cet interlocuteur –, à Douris, où il organisait, comme il le faisait souvent, un dîner.

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