Thibault Raisse, journaliste indépendant et auteur du Con de minuit. L’histoire vraie de Gérard de Suresnes (Denoël, 272 pages, 20 euros), explique, à travers l’itinéraire de Gérard Cousin, un SDF devenu star de la radio, en quoi les émissions de libre antenne des années 1990 ont changé l’histoire de la FM.
Pourquoi avoir choisi d’écrire un livre sur Gérard Cousin, qui a connu la célébrité sur l’antenne de Fun Radio à la fin des années 1990 ?
A cette époque, j’étais un auditeur de l’émission de Max, sur Fun Radio, où Gérard intervenait. Mais je suis ensuite passé à autre chose. J’y ai repensé en 2015, au moment des attentats du 13-Novembre, que je couvrais pour Le Parisien : le speaker du Stade de France, c’était Max, c’est lui qui a évité que la situation ne dégénère et qui a rassuré les gens. En lisant son portrait dans Libération, je me suis demandé ce qu’était devenu Gérard. J’ai découvert qu’il était mort jeune [en 2005, à 43 ans], dans la misère et la solitude. Comment était-il possible que ce type, que je considérais comme une star, soit inhumé dans le carré des indigents ?
J’ai eu envie de comprendre cette déchéance et faire la biographie d’un « prolo », un qui n’a pas réussi. Je voulais raconter la vie de quelqu’un né dans la misère et mort dans la misère. Expliquer ce qu’est être un gamin de la Ddass [direction départementale des affaires sanitaires et sociales] né dans les années 1960. C’est, en creux, un portrait d’une France dont on ne parle jamais.
Comment expliquer l’engouement autour de cette émission ?
Dans ces libres antennes, tous les curseurs étaient poussés au maximum. Pendant « Lovin’ Fun », par exemple, on parlait de ses problèmes de cœur et de sexe. L’expression la plus extrême de cette libre antenne, où tout peut arriver, c’était « Les Débats de Gérard », le nom de son émission, qui a duré entre 1996 et 2002. Lui, c’est le genre de type qu’on filtre au standard et là, on va le laisser passer à l’antenne et le mettre en valeur. C’est le contact avec un monde qu’on ignore, qu’on peut appeler « la France des bistrots », et qui n’a rien à voir avec les auditeurs de ces radios.
Pourquoi les émissions de radios libres sont à ce point un marqueur générationnel ?
En soi, ces émissions représentent une transgression. Par exemple, « Lovin’ Fun » est l’adaptation d’une émission américaine où les auditeurs parlent de sexe avec les mots de la jeunesse, avec deux animateurs, un médecin et un jeune qui fait des blagues. Il y a une totale liberté de ton. Avec également une programmation musicale très rock : c’est encore l’époque du grunge et de Nirvana. Cela crée un état d’esprit fédérateur, qui va au-delà de l’émission. C’est un étendard.
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