Au cœur de l’été, il s’est passé quelque chose d’inattendu et de réjouissant du côté de la porte Dorée à Paris, surtout lorsqu’on y repense en cette période de rentrée déprimante. Une foule se pressait pour visiter une exposition. Pas n’importe quelle foule et pas n’importe quelle expo. Son titre, « Banlieues chéries », racontait l’histoire des quartiers populaires par le prisme du sensible et de l’humain en donnant à voir une multitude d’objets et d’œuvres d’art : photos, vidéos, installations, peintures, reconstitutions d’intérieurs, etc. Une déclaration d’amour aux zones repoussoirs du débat politique français où vivent des millions de personnes. Tour à tour joyeux, mélancolique et dramatique, le récit contournait, sans la gommer, l’image globalisante, miséreuse et anxiogène des banlieues pour faire la place aux visages d’habitants attachés à leur quartier, comme chacun peut l’être à l’endroit où il a grandi ou fondé une famille.
Plus de 150 000 visiteurs – un record absolu pour le Musée national de l’histoire de l’immigration qui l’accueillait – ont honoré ce parcours qui proposait de « recadrer les clichés ». Un public jeune et de toutes origines, totalement inconnu des musées nationaux. En bref, des habitants de banlieue attirés par un bouche-à-oreille sur les réseaux sociaux vers un palais de la République où, pour une fois, il était question d’eux.
Ce succès, explique Constance Rivière, directrice générale du Palais de la Porte-Dorée, traduit « un besoin d’apaisement et de prise de distance sur un sujet maltraité dans le débat public ». Cette soif d’un récit susceptible d’inscrire chacun dans l’histoire commune, cette énergie pleine d’espoirs disent sur la France quelque chose de bien différent des rengaines politiques de droite sur la peur des banlieues, alimentées, il est vrai, par l’emprise croissante du trafic de drogue et les émeutes récurrentes, ou de celle des « insoumis », aidés par la tragédie de Gaza, qui cherchent à les enfermer dans une identité musulmane.
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