Depuis plusieurs mois, le débat sur le retard de compétitivité européenne face aux Etats-Unis et à la Chine s’amplifie. Il a été lancé par le rapport de Mario Draghi, l’ancien président de la Banque centrale européenne. Remis en septembre à la Commission européenne, celui-ci alerte sur une situation de « lente agonie » pour le continent. L’Europe décroche, mais la France regarde ailleurs. Ce sujet, auquel Le Monde a consacré mi-décembre une série d’articles, reste circonscrit, dans notre pays, aux colloques et aux tribunes dans les médias. Les partis politiques, enlisés dans la crise politique, peinent à s’emparer de la question.
L’enjeu du rapport Draghi consiste à créer une prise de conscience sur les fragilités du modèle européen. Déficit de croissance ; moindre progression du revenu disponible par habitant ; faiblesse de l’investissement et de l’innovation ; coût de l’énergie et bureaucratie, qui pèsent sur la compétitivité ; recul de la productivité ; fragmentation des marchés ; chute de la population active : la liste des vulnérabilités est longue.
Par contraste avec le marasme européen, l’économie des Etats-Unis tourne à plein régime, attirant les talents et les usines, tandis que la machine exportatrice chinoise devient de plus en plus agressive. Mais c’est surtout le long terme qui concentre les inquiétudes. Sans un sursaut, le continent est condamné à une stagnation économique qui pourrait être lourde de conséquences sur le financement de son modèle social, sur l’emploi, et finalement sur sa souveraineté.
Expliquer la complexité des enjeux
Or, ce qui est vrai à l’échelle du continent l’est encore davantage pour une France surendettée. La chute de la productivité y est plus spectaculaire que chez ses voisins. La désindustrialisation, qui avait été stabilisée ces dernières années, s’accélère à nouveau. Le niveau d’éducation des jeunes et des compétences des adultes ne cessent de décliner. Enfin, le financement de notre modèle social pèse de plus en plus lourdement sur le niveau des salaires nets, créant un mécontentement grandissant en matière de pouvoir d’achat.
Malgré ce bilan inquiétant, le débat politique ne parvient pas à se hisser à la hauteur des enjeux et reste dans le déni. Les acteurs se contentent de répondre aux attentes de court terme de leur clientèle électorale. En dehors du recours systématique à l’expédient de la dette, la réflexion pour lutter contre le décrochage européen est au point mort.
Le pays n’a aucune chance d’avancer si un minimum de pédagogie n’est pas exercé en direction des citoyens. Le thème du pouvoir d’achat est sur toutes les lèvres. Encore faudrait-il expliquer que celui-ci dépend de la richesse produite, elle-même fonction de l’investissement et des gains de productivité.
La perte de confiance dans les institutions et les dirigeants rend l’exercice difficile. Il est pourtant impératif de redonner la primauté au temps long plutôt qu’à l’immédiateté, d’expliquer la complexité des enjeux, de rétablir le lien entre les efforts indispensables et les bénéfices qui sont à la clé, enfin de dissiper l’illusion d’un égoïsme national au bénéfice d’un positionnement géostratégique auquel nous ne pouvons pas échapper.
Comme le constate l’ex-député MoDem Jean-Louis Bourlanges, « on assiste à un divorce total entre ce que veulent les Français et ce dont a besoin la France ». Tant que les deux ne seront pas réconciliés, le pays ira au-devant de très graves difficultés.
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