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Elles sont encore peu visibles, car moins fréquentes que pour les femmes, mais les violences sexuelles subies par les hommes commencent à sortir de l’ombre.

Parmi les hommes, 1,4 % déclare avoir subi au cours de leur vie au moins une agression sexuelle, une tentative de viol ou un viol, selon une étude publiée mercredi 28 mai par l’Institut national d’études démographiques (INED) qui s’appuie sur les données de l’enquête Virage (Violences et rapports de genre). Le chiffre est toutefois quatre fois moins élevé que chez les femmes (5,5 %).

Dans 82 % des cas, les hommes ont subi des violences sexuelles lorsqu’ils étaient mineurs. « Les hommes sont surtout victimes en tant qu’enfant », souligne, auprès de l’Agence France-Presse, Lucie Wicky, docteure en sociologie à l’INED et à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). « Ils subissent des rapports de pouvoirs, la domination masculine et celle des adultes, c’est ce qu’on peut voir par exemple dans l’affaire Bétharram », du nom de l’établissement catholique privé actuellement au cœur d’un scandale de violences sexuelles et physiques.

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Réalisée en 2015 par l’INED, soit avant le vaste mouvement de dénonciation des violences sexuelles #MeToo, cette enquête interrogeait un échantillon de plus de 15 000 femmes et 11 000 hommes de 20 à 69 ans, sur les violences interpersonnelles subies au cours de la vie. L’INED précise que son analyse « porte sur les attouchements du sexe, les viols et tentatives de viol ». Sont ainsi exclus, par exemple, les cas où les personnes ont déclaré avoir été « frottées ou collées contre leur gré ».

Des agresseurs connus en majorité

Les agressions sexuelles et viols ont eu lieu avant 14 ans pour la moitié des hommes et avant 10 ans pour un tiers d’entre eux. Rares sont les violences subies après 25 ans. « Les violences sexuelles envers les hommes s’étendent donc sur une période de vie plus courte que chez les femmes, qui y sont exposées tout au long de leur vie », note ainsi l’étude.

Ces violences sexuelles sont majoritairement perpétrées par d’autres hommes : 83 % des victimes ont été agressées par un ou plusieurs hommes, 13 % par une ou des femmes et 4 % par des personnes des deux sexes.

Elles sont commises en majorité par des personnes connues des victimes : 43 % des hommes déclarent que ces violences sexuelles ont eu lieu dans la famille et l’entourage, 17 % dans le milieu scolaire et 16 % dans un espace de sociabilité. Il s’agit souvent d’agresseurs « en position de pouvoir », exerçant une autorité sur la victime.

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Dans le détail, dans l’enfance (de 0 à 9 ans), les violences ont lieu le plus souvent au sein de la famille et dans l’entourage proche, soit des personnes côtoyées quotidiennement. Entre 10 ans et 13 ans, les auteurs appartiennent à un cercle plus large, par exemple la famille éloignée. Et à l’adolescence, les violences se déplacent vers le milieu scolaire et ceux des loisirs (cercle amical, sport, activités en lien avec la pratique religieuse).

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Près de 30 % des hommes ayant subi des violences sexuelles ont aussi été exposés à d’autres formes de violences, notamment psychologiques ou physiques.

« Les hommes sont plus massivement soutenus » quand ils parlent

Les garçons qui ont tenté de dénoncer les violences sexuelles subies ont « souvent été ignorés ». Toutefois, lorsqu’ils parlent à l’âge adulte, « l’entourage remet alors rarement en cause leur récit, ce qui n’est pas toujours le cas pour les femmes qui parlent », précise l’étude.

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Domination, silence imposé : « Les mécanismes au moment des agressions sont similaires pour les filles et les garçons, mais les suites de ces violences le sont moins », observe Lucie Wicky, qui a également réalisé pour cette étude, entre 2019 et 2022, une cinquantaine d’entretiens avec des hommes victimes. « On sait que plus une victime est soutenue par son entourage, moins les conséquences des violences sexuelles seront lourdes. Or, les hommes sont plus massivement soutenus, donc les conséquences sont moins durables », précise-t-elle.

Les conséquences de telles agressions peuvent être multiples, allant du stress psychotraumatique aux problèmes de santé, en passant par des comportements addictifs ou des troubles de la sexualité.

Ces violences sexuelles subies par les hommes ont fait l’objet de plusieurs mouvements de dénonciation ces dernières années. En 2024, notamment, le lancement du hashtag #MeToogarçons s’est accompagné de plusieurs centaines de témoignages sur les réseaux sociaux. Avant cela, le sujet a été évoqué lors des mouvements de dénonciations de violences dans l’Eglise et d’incestes.

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Le Monde avec AFP

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