FRANCE 5 – LUNDI 30 DÉCEMBRE À 21 H 05 – DOCUMENTAIRE
C’est « un grand voyage à travers le monde sans quitter la France » que propose France 5 dans ce documentaire sur les ambassades parisiennes, présenté par Sophie Jovillard, dans le cadre de son émission « Trésors cachés ».
Des trésors débusqués d’abord dans les archives. Avec deux morceaux de choix : le voyage officiel du roi d’Angleterre George VI en 1938, et celui du président des Etats-Unis John Kennedy en 1961. Le fil rouge du documentaire est dans les coulisses du Quai d’Orsay, siège de la diplomatie française, et de son hôtel du ministre, sorte d’ambassade intérieure.
Ce lieu emblématique fut construit en 1844 sous le règne de Louis-Philippe, (dernier) roi des Français. « Un outil mis au service des relations de la France avec les pays étrangers », expose Aurélie Bastelica, spécialiste de l’histoire des ambassades. Un outil dont le dernier souverain régnant, l’empereur Napoléon III, fut le premier à user et abuser, en faisant un élément-clé de cet art politique émergent qu’était la diplomatie à l’heure de l’Europe des nations portée sur les fonts baptismaux par le congrès de Vienne en 1815. « Il veut impressionner les souverains étrangers qui vont venir dans la capitale, [et qui] auparavant, ne quittaient guère leur pays », rappelle Richard Flahaut, conservateur du patrimoine.
Les ors hérités de la monarchie
La République s’est coulée sans complexe dans cet usage des ors hérités de la monarchie. Quitte, faute de moyens, à faire décorer le Quai d’Orsay en carton-pierre (matériau servant à imiter la pierre), à la façon et avec l’aide de l’Opéra de Paris. En 1938, un point d’honneur fut mis à soigneusement aménager et décorer les locaux accueillant George VI. « On fit venir des meubles du château de Fontainebleau qui avaient appartenu à Napoléon Ier », relate Richard Flahaut. De Fontainebleau aussi, le lit de Marie-Antoinette dans lequel dormira la reine consort Elizabeth, mère de la future Elizabeth II. Au mur de la chambre, Le Berceau (1872), de Berthe Morisot.
Cette même année 1938, où le fascisme triomphe en Europe, sera inaugurée l’ambassade d’Italie, à deux pas de l’hôtel Matignon. Ecrin culturel sans pareil, l’hôtel de Boisgelin, construit en 1732, s’assigne d’emblée une mission : être « la vitrine de notre pays », assure Lorenzo Margani, jeune historien franco-italien formé à Sienne (Italie), recruté comme attaché culturel en 2023 par l’ambassadrice Emanuela D’Alessandro, après sept ans passés au Louvre. Ladite vitrine fait, en 2024, la part belle à des meubles et des œuvres d’art signés d’artistes italiens − le designer toscan Edra, le créateur de mode Giorgio Armani, le sculpteur Medardo Rosso (1858-1928), à mi-chemin des impressionnistes et des futuristes…
Le Mexique aussi a fait de son ambassade parisienne une vitrine. Installée dans un hôtel particulier de style Art déco dessiné en 1926 par l’architecte français André Durand, elle est le réceptacle de pas moins de 18 toiles du muraliste mexicain Angel Zarraga (1886-1946), un ami de Diego Rivera et d’Alexandre Zinoview.
L’envers du décor
La Ville Lumière est enfin celle de la gastronomie. Comme le disait Talleyrand, « il n’y a pas de bon diplomate sans un bon cuisinier ». Les ambassades ne peuvent y déroger, qui abritent donc de (très) bonnes tables. Celle du Quai d’Orsay − encore lui − est « la dernière où l’on pratique le service à la française [plats sous cloche, viandes découpées à table, etc.], véritable trésor offert aux hôtes les plus prestigieux », souligne Sophie Jovillard sur des images de John Kennedy, de Lady Diana, de Mikhaïl Gorbatchev, d’Elizabeth II…
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L’envers du décor peut être aussi savoureux, racontant « parfois de grandes histoires d’amour », glisse avec gourmandise la présentatrice. Ainsi de l’ambassade de Pologne. L’hôtel de Monaco, où elle est installée, fut construit en 1774 par la princesse de Monaco d’alors, Marie-Catherine Brignole, « une femme libre et riche » déterminée à vivre au plus près de son amant (et futur mari), le prince de Condé, installé à deux pas de là, à l’hôtel de Lassay (aujourd’hui résidence officielle du président de l’Assemblée nationale).
Nombre de ces lieux prestigieux ont souvent été érigés ou décorés par des femmes, « indépendantes, esthètes et fortunées », à une époque « où le Tout-Paris se pressait pour voir et être vu ». Etonnante résonance féministe avec aujourd’hui, où l’on ne compte pas moins d’une trentaine de femmes ambassadrices à Paris − dont celles des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Mexique, d’Australie, d’Italie, d’Israël et… de Palestine.
Les Trésors des ambassades parisiennes, documentaire de Florence Troquereau (Fr., 2024, 90 min). A la demande sur France.tv