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« Rien ne pourra plus être comme avant », a-t-on pu être tenté de penser, sous le choc et dans l’état d’angoisse général provoqués par la pandémie de Covid-19. Cinq ans après le début du confinement qui, le 17 mars 2020, mettait la France à l’arrêt, le souvenir de ce sentiment naïf, mais porté par l’espoir de sortir du cauchemar, est teinté d’amertume. Si le monde n’est « plus comme avant », il n’est sûrement pas meilleur. La société n’a pas fini d’analyser et de tenter de réparer les multiples dégâts causés par les confinements à répétition, les choix économiques et budgétaires imposés par le Covid, le soupçon porté sur les scientifiques et les politiques. Même la promesse, qui semblait à portée de main, d’avancer vers le règlement de problèmes sociaux cruciaux révélés par la pandémie reste à tenir.

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Tel est le cas de « travailleurs de deuxième ligne », ces « femmes et [c]es hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal », mais sur lesquels « notre pays tient tout entier », selon les mots d’Emmanuel Macron, dans son allocution du 13 avril 2020. « Il nous faudra nous [en] rappeler », enjoignait alors le président de la République. C’était le temps, vite passé, où les Français ouvraient les fenêtres à 20 heures pour applaudir les soignants et regardaient en héros les caissières de supermarché et les chauffeurs livreurs.

Sur la situation de ces travailleurs indispensables mais mal payés, aux tâches souvent pénibles, incompatibles avec le télétravail, aux horaires impossibles et aux faibles perspectives de progression, au surplus exposés à la contamination, le Covid a servi de révélateur. Plus personne ne peut ignorer l’énormité du paradoxe entre la reconnaissance du caractère essentiel de leur contribution à la société et le mépris que celle-ci leur renvoie en matière de salaire et de prise en compte de leur statut et de leurs conditions de travail.

Occasion manquée

Pourtant, au-delà des hommages appuyés, peu a été accompli. Un rapport demandé par Elisabeth Borne, la ministre du travail d’alors, a bien identifié dix-sept métiers concernés – d’agent d’entretien à boulanger, d’employé de la grande distribution à aide à domicile –, et le sujet a été inclus à l’agenda social. Mais les promesses de négociations entre partenaires sociaux sur les conventions collectives n’ont jamais été concrétisées, faute de volonté politique.

Même la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, non ciblée, n’a guère profité particulièrement aux « travailleurs essentiels ». Quant à l’idée prometteuse d’un index de la qualité des emplois, elle reste à mettre en œuvre. Principal acquis de la période : la situation des travailleurs concernés est désormais identifiée et objectivement analysée. On sait ainsi que les salaires ne compensent pas la pénibilité de leurs conditions de travail et qu’après 50 ans leur taux d’invalidité est deux fois plus important que celui de la moyenne des travailleurs.

L’occasion manquée, dans l’après-Covid, de prendre en compte, pour l’améliorer, le quotidien des 6,8 millions de personnes occupant, selon l’Insee, un métier de « deuxième ligne », n’a fait que renforcer l’idée d’une déconnexion des responsables politiques avec les réalités vécues et a alimenté l’amertume. Elle a sans doute aussi contribué au blocage du débat sur les retraites. On aurait tort de minimiser les réactions politiques liées au sentiment de mépris et de déclassement qu’alimente la surdité de l’exécutif et qui, d’élection en élection, font le lit des démagogues.

Le Monde

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