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Histoires Web dimanche, octobre 20
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D’après la peintre Lee Krasner (1908-1984), qui était la compagne de Jackson Pollock (1912-1956), celui-ci dit un jour, vers 1942-1943 : « Maudit Picasso ! Chaque fois que j’ai l’impression d’arriver à quelque chose, je me rends compte que ce salaud y est arrivé avant moi. » Or voici Pollock invité chez ce « salaud » et, de surcroît, pour ses premières années, jusqu’en 1947 : la période où Pablo Picasso (1881-1973) est sa nourriture et son tourment constants. Aussi le parcours commence-t-il par la confrontation de travaux sur papier de l’un et de l’autre qui montrent, par leur proximité, la force de l’obsession picassienne chez le jeune Américain. Le propos de l’exposition est de montrer comment ce dernier s’en extrait peu à peu, jusqu’à devenir le peintre des drippings, chorégraphies de lignes de couleurs déposées sur la toile placée au sol.

Sont réunies une quarantaine de ses peintures, ce qui est remarquable car la difficulté d’obtenir le prêt de ses œuvres est directement proportionnelle à sa célébrité et à sa valeur financière, très hautes toutes deux, puisque Pollock a été hissé au rang de héros américain. S’y ajoutent à peu près le double de dessins et quelques œuvres pour comparaison, dont un admirable Arshile Gorky de 1936-1937 et un non moins intéressant Janet Sobel de 1943. L’ensemble fait une exposition de qualité, accrochée de façon chronologique. On se serait passé qu’une grande salle ait des murs noirs, mais la couleur de Pollock est assez puissante pour y résister. Elle saute aux yeux aujourd’hui, comme elle avait sauté aux yeux de celles et ceux qui assistèrent à l’évasion de Pollock hors des références dont il était captif.

Dans sa tête, ses rêves, ses doigts

Picasso est donc partout jusque vers 1943, particulièrement dans les dessins, les encres ou les crayons. Pollock le connaît très tôt et très bien. Il voit ses œuvres dans des expositions, dont la rétrospective « Picasso : Forty Years of His Art », au MoMA, à New York, inaugurée en novembre 1939, qui en réunit 364 et qui est précédée, en mai, d’une présentation de Guernica (1937) dans une galerie new-yorkaise. Il en voit dans des collections privées et dans les revues qui arrivent de Paris, Cahiers d’art et Minotaure. Il écoute en parler son ami et mentor John Graham (1886-1961). Résultat de cette overdose : même quand il dessine de façon aussi automatique que possible à destination du psychiatre jungien chez lequel il se rend en 1939 pour tenter d’en finir avec son alcoolisme et son mal-être, il fait du Picasso, du Guernica. Il l’a dans sa tête, ses rêves, ses doigts. Fragments de tauromachies, morceaux de corps, têtes hurlantes, monstres mi-bêtes mi-hommes, grands yeux fixes : on n’en finirait pas de repérer les citations.

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