La santé reste particulièrement touchée par les risques de dérives sectaires, et les pratiques de soins non conventionnelles, y compris dans des établissements de santé, sont une source de « préoccupation », souligne la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).
En 2024, la Miviludes a reçu 4 571 saisines, soit 13,7 % de plus qu’en 2021 et 111 % de plus qu’en 2015. Sur tous les signalements reçus entre 2022 et 2024, la santé et le bien-être arrivent en tête (37 %), devant les cultes et spiritualités (35 %), selon le rapport d’activité de l’organisme publié mardi 8 avril.
Son précédent bilan, dévoilé en 2022, pointait déjà la santé comme « sujet de préoccupation majeur ». Alors que les malades du cancer restent les plus touchés par les dérives sectaires en santé, la Miviludes s’inquiète désormais du développement de pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) au sein même d’établissements de santé.
Souvent considérées comme « douces », « complémentaires » voire « alternatives et finalement bénéfiques pour la santé », la grande majorité de ces pratiques « n’a pas été approuvée scientifiquement », souligne-t-elle. Un grand nombre de signalements reçus par l’organisme, rattaché au ministère de l’intérieur, dénoncent ainsi « la banalisation de ces pratiques au sein des établissements de santé », sans être nécessairement accompagnées de « mises en garde ou d’encadrement médical ».
Risque de substitution à la médecine conventionnelle
Ainsi les soins de support, notamment en cancérologie, « connaissent, à leur tour, des dérives à caractère sectaire », détaille le rapport. « Aujourd’hui, il est courant de trouver des séances de Reiki, de magnétisme ou encore de “bol tibétain” dans les établissements publics de santé », décrit la Miviludes. Le risque principal repose sur « la prétention de certains pseudo-thérapeutes à substituer les PSNC à la médecine conventionnelle, excluant totalement le recours à celle-ci », précise l’institution.
En 2024, la Miviludes a adressé 45 signalements au parquet − contre 20 en 2021 −, fréquemment « sur des “conseils” ou “pseudo-soins” donnés à des “patients” (…) par des pseudothérapeutes n’ayant pas de diplôme reconnu par l’Etat ».
D’autres infractions concernent « les délits d’exercice illégal de la pharmacie, de la diététique, d’usurpation du titre de docteur en médecine ». Dans la plupart des cas, les « pseudothérapeutes » prônent un régime alimentaire draconien, incitent à la consommation de stupéfiants, de soins à base de pierres (lithothérapie), ou d’examen de tumeur « par appareil “russe à résonance magnétique” qui contredit le diagnostic de cancer », énumère la Miviludes.
Les personnes en situation de handicap peuvent aussi être victimes de ces dérives. La Miviludes évoque ainsi le cas d’une jeune femme suivie pour troubles psychiatriques qui a cessé son traitement médicamenteux au profit d’huiles essentielles, « conformément à la doctrine de “l’aromathérapie quantique” ».
Partenariat avec la Ligue contre le cancer
Dans le traitement du cancer, l’organisme alerte sur la dangerosité de l’urinothérapie, méthode « qui consiste à boire son urine » et qui a été « fatale » pour certaines victimes. Pour mieux sécuriser les soins de support proposés aux malades et éviter de possibles dérives, la Miviludes, le ministère de l’intérieur et la Ligue contre le cancer vont signer mardi une convention de partenariat.
Autre sujet de préoccupation de la mission : la promotion persistante du jeûne comme remède à toutes formes de maladies. Son rapport met en garde contre des stages de jeûne « particulièrement onéreux », dont l’une des tendances les plus dangereuses consiste à allier une pratique sportive intensive et un jeûne poussé parfois à l’extrême, comme dans le mouvement « Jeûne et randonnée ».
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« S’il y a actuellement des débats relatifs aux effets du jeûne, notamment intermittent, jeûner n’a pas pour effet de vaincre des maladies telles que le cancer. Or c’est ce que soutiennent certains groupes », dénonce la Miviludes, ajoutant que des décès liés à des stages de ce type « ont été signalés à l’autorité judiciaire ».