C’est devenu rituel. A intervalle régulier, la Fédération nationale des ports et docks CGT lance un appel à la grève pour rappeler au gouvernement son hostilité à la réforme des retraites portant l’âge de départ des dockers de 58 ans à 60 ans ; et à Emmanuel Macron, qui avait promis, durant sa campagne présidentielle de 2022, qu’ils seraient exonérés de l’effort. Elle a appelé les travailleurs portuaires à cesser le travail, les lundi 9 et mardi 10 décembre, et à débrayer plusieurs jours en janvier, comme en juin, avec une autre revendication : la prolongation des mesures de retraite anticipée pour ceux qui ont été exposés à l’amiante.
Le secteur aurait-il renoué avec l’instabilité sociale chronique qui avait précédé les réformes de 1992 et de 2008 ? Ces textes ont changé la gouvernance des grands ports tout en organisant le transfert de l’outillage et du personnel vers les entreprises de manutention, entraînant un net apaisement du climat social sur les quais. Ils n’ont pas permis de rattraper le retard de compétitivité par rapport aux concurrents du « range nord-européen » (Bruges-Anvers, Rotterdam, Hambourg) et de la Méditerranée (Tanger, Algésiras…).
Cruel classement
Le classement 2023 de la Banque mondiale et de S&P Global Market Intelligence sur la performance des 405 plus grands ports de conteneurs (délais d’attente, rapidité des opérations, numérisation…) est cruel. Malgré de gros investissements, Marseille-Fos n’est qu’à la 354e place et Le Havre à la 372e ! Loin des ports asiatiques, qui occupent 13 des 20 premières. Même si l’italo-suisse MSC y investit 1 milliard d’euros et que le géant marseillais CMA CGM continue d’y jouer la carte nationale, le port normand vient de perdre les lignes directes Asie-Europe des armateurs danois Maersk et allemand Hapag-Lloyd.
Haro sur la CGT ? C’est aller un peu vite en besogne. La fiabilité sociale s’est certes dégradée avec les tensions sur les retraites, mais la grève n’est pas l’apanage des seules escales françaises. Conscient du retard d’investissement, le syndicat réclame « 10 milliards d’euros pour leur développement ».
D’autres facteurs handicapent les ports. Leur hinterland (débouchés commerciaux, industries) détermine leur attractivité. Le développement de l’« axe Seine » Le Havre-Paris et celui du corridor Marseille-Lyon, à l’étude, ne feront que réduire un peu l’avantage du nord de l’Europe, dont les ports irriguent de très vastes zones d’activité, comme la Ruhr allemande. Et, dans le cadre de la stratégie nationale portuaire lancée en 2021, il faudra déployer d’énormes efforts pour que le « port France » gagne des parts de marché et double le nombre d’emplois directs et indirects.