Même si votre site d’observation n’est pas optimal et que votre ciel n’est pas vraiment sombre, les étoiles les plus brillantes de la voûte céleste sont faciles à identifier à l’œil nu lors des nuits les plus courtes de l’année dans l’hémisphère boréal. Leur éclat puissant leur permet de percer le voile crépusculaire avant toutes les autres et elles nous accompagnent sans faiblir jusqu’à la fin de la nuit. Le crépuscule, cet assombrissement progressif qui s’étend du coucher du Soleil à l’instant où celui-ci atteint une profondeur de 18° sous l’horizon, prend de l’ampleur à l’approche du solstice d’été et c’est un moment privilégié pour écouter le monde et apprécier l’observation du ciel qui s’étoile peu à peu. À plus de 48° nord, les dernières lueurs du soir rejoignent les prémices du jour pour empêcher la nuit noire de s’installer pendant une période d’autant plus longue que la latitude est septentrionale. En France métropolitaine, nous ne disposons ainsi en juin que d’une toute petite poignée d’heures plus ou moins obscures au cœur de la nuit pour nous promener sur la voûte céleste.
Autour de minuit, l’éclat rougeoyant d’Antarès du Scorpion devrait attirer votre regard car il scintille au-dessus de l’horizon sud, la turbulence atmosphérique le faisant palpiter sans fin. Si vous avez un doute, le passage de la Lune juste à côté d’Antarès le 8 et le 9 juin au soir vous permettra d’identifier cette superbe étoile sans ambiguïté. Le Scorpion est partiellement caché dans le nord de la France, mais son grand corps sinueux surplombe majestueusement l’horizon dans la moitié sud du pays, comme vous pouvez le constater sur la carte voisine. Antarès est une étoile supergéante rouge qui aborde la dernière phase de son cycle évolutif et devrait se transformer en une supernova plus brillante que la Pleine Lune avant un million d’années, un clignement d’œil à l’échelle cosmique !

En remontant le méridien, cette ligne imaginaire qui va du sud au nord en passant par le zénith, vous traverserez l’immense figure d’Ophiuchus, le Serpentaire, avant d’atteindre la constellation d’Hercule. Les étoiles d’Hercule ne sont guère brillantes et je vous conseille de vous allonger ou de vous asseoir dans une chaise longue pour les chercher si votre ciel est suffisamment sombre car elles sont juste sous le zénith. À l’ouest d’Hercule, en redescendant vers l’étoile géante Arcturus du Bouvier qui est deux fois plus brillante mais bien moins colorée qu’Antarès – certains observateurs perçoivent sa teinte orange très pâle –, essayez de repérer le diadème de la Couronne boréale : la nova T Coronae Borealis dont les astronomes attendent toujours l’explosion (voir ce billet) se situe non loin d’Alphecca, l’étoile principale de cette petite figure.
Véga de la Lyre brille quant à elle à l’est d’Hercule – sur sa gauche, si vous faites face au sud – et c’est très souvent la première étoile que l’on parvient à repérer dans les étendues infinies de la nuit naissante lors des immenses crépuscules d’été. En comparant son éclat avec celui d’Antarès vous devriez percevoir sa coloration légèrement bleutée qui nous indique que sa couche externe est beaucoup plus chaude que celle de la supergéante du Scorpion. Véga n’est pas une étoile particulièrement grosse, mais elle a l’avantage d’être l’une des plus proches de nous, à moins de 25 années-lumière. Entre Véga et la constellation d’Hercule se situe l’apex, le point qui nous indique la direction vers laquelle le Soleil et l’ensemble des planètes et des petits corps du Système solaire filent dans la galaxie à près de 20 kilomètres par seconde.
Revenez vers Véga pour dessiner le Triangle d’été avec Deneb du Cygne et Altaïr de l’Aigle. Comme Véga, Altaïr est une étoile à peine plus grosse que le Soleil qui doit son bel éclat à sa proximité puisqu’elle est à moins de 20 années-lumière de nous. Apparemment moins brillante qu’Altaïr, Deneb est, en revanche, une étoile supergéante blanche qui serait à plus de 1 500 années-lumière et brillerait intrinsèquement 60 000 fois plus que le Soleil ; il ne faut pas se fier aux apparences, surtout sur la voûte céleste…

Le grand astérisme du Triangle d’été est à cheval sur l’une des portions les plus lumineuses de la Voie lactée, mais vous devrez vous éloigner des ciels urbains inondés de lumières artificielles pour distinguer la tranche blanchâtre de notre galaxie par une nuit sans Lune. Vous pourrez par exemple vous rendre dans l’une des deux nouvelles Réserves internationales de ciel étoilé (RICE) françaises, celle des Landes de Gascogne et celle du Morvan. Il y a, à présent, sept RICE en France, sept territoires de plusieurs centaines à plusieurs milliers de kilomètres carrés sur lesquels d’innombrables acteurs se sont engagés à œuvrer pour protéger l’obscurité nocturne nécessaire à la biodiversité et à la préservation de notre lien naturel avec le ciel étoilé.
Phases de la Lune en juin
La Lune est au premier quartier le 3 dans le Lion, pleine le 11 dans Ophiuchus, au dernier quartier le 18 dans les Poissons et nouvelle le 25 dans le Cocher.
Quelques rendez-vous à admirer dans le ciel de juin
Le jeudi 19 juin à l’aube, deux heures avant le jour, le Dernier Quartier accompagne Saturne au-dessus de l’horizon est-sud-est. Ces astres sont à près de deux degrés d’écart et à une vingtaine de degrés de hauteur. Si vous observez ce couple aux jumelles au début de l’aube, dans un ciel encore suffisamment sombre, vous distinguerez un point très peu éclatant pratiquement à mi-distance entre le limbe lunaire et Saturne : il s’agit de la planète géante Neptune. Elle est tellement éloignée du Soleil – plus de 4,4 milliards de kilomètres – qu’elle n’est jamais visible à l’œil nu malgré sa grande taille – 49 530 kilomètres de diamètre équatorial. Je rappelle que les planètes du Système solaire visibles à l’œil nu lorsqu’elles se sont suffisamment écartées de l’éclat du Soleil sont Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Uranus est repérable à l’œil nu lorsqu’elle circule haut dans un ciel sombre peu touché par la pollution lumineuse, mais jamais dans un ciel crépusculaire, et Neptune n’est jamais visible sans instrument. Donc, quand vous voyez passer, comme en février dernier, des annonces de conjonctions ou d’« alignements planétaires » incluant Uranus ou Neptune dans un ciel crépusculaire bien trop clair, vous pouvez sans hésitation douter du sérieux de votre source d’information.

L’été est là et l’aube nous offre généralement un peu de fraîcheur avant la chaleur étouffante du jour. Profitez-en, le dimanche 22 et le lundi 23 juin, pour suivre le passage du vieux croissant lunaire à proximité de Vénus et devant les Pléiades. Deux heures avant le lever du Soleil, l’éclat vénusien est très facile à repérer à quelques degrés de hauteur au-dessus d’un horizon est-nord-est bien dégagé ; six degrés plus haut, la Lune est embellie par la lumière cendrée qui dévoile joliment la portion de son globe plongée dans la nuit. Les Pléiades sont situées à quinze degrés sur la gauche de Vénus et, le lundi 23 juin, le mince croissant occulte le sud de cet amas stellaire lors de son lever.

Le jeudi 26 et le vendredi 27 juin au crépuscule, une heure après la disparition du Soleil, la jeune Lune encadre la première planète du Système solaire. L’éclat de Mercure n’est pas intense (magnitude 0,1) et il faut le chercher à cinq degrés de hauteur au-dessus de l’horizon ouest-nord-ouest, dix degrés à l’ouest du point où le Soleil a disparu. Le croissant est visible un peu plus bas et six degrés sur la droite de Mercure le jeudi 26 et plus haut à six degrés sur sa gauche le vendredi 27 juin.

Le dimanche 29 juin au crépuscule, deux heures après le coucher du Soleil, la Lune est de retour entre Mars et Régulus, mais, en une lunaison, la mécanique céleste a inversé les positions de la planète et de l’étoile principale du Lion. Ce n’est pas le seul changement, même si c’est le plus évident, car l’éloignement régulier de Mars a également entraîné une diminution de son éclat et cette planète est à présent moins brillante que son éphémère voisine. Le trio est installé à une dizaine de degrés de hauteur au-dessus de l’horizon ouest.

La 31e édition de mon Guide du Ciel annuel est disponible dans votre librairie habituelle.

Si vous voulez profiter d’un très beau ciel pour découvrir les étoiles et la Voie lactée cet été, vous pouvez par exemple contacter Azimut Voyages et les copains à bord qui organisent des stages d’observation dans la Réserve internationale de ciel étoilé du parc national des Cévennes.