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Histoires Web vendredi, novembre 22
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L’histoire figure dans tous les bons manuels de biologie. En 1848, des entomologistes britanniques observent, dans une forêt près de Manchester (Royaume-Uni), un changement de couleur de certains papillons de nuit. Au lieu de leur gris clair habituel, les phalènes du bouleau (Biston betularia) ont pris une teinte gris foncé, presque noire.

Au cours du siècle suivant, l’exception devient la règle. En 1954, toutes les phalènes britanniques sont devenues sombres. Pour quelle raison ? La pollution a noirci l’écorce des arbres. Pour se dissimuler des oiseaux, mieux vaut désormais arborer des ailes de couleur foncée. L’insecte devient un cas d’école de l’adaptation d’une espèce à son environnement par mutation et sélection naturelle.

Dans le petit monde des chercheurs sur l’évolution, on savait toutefois que l’emblème présentait quelques faiblesses. L’expérience péchait dans ce que l’on nomme la réplication, soit la capacité à être reproduite. Le phénomène avait certes été observé dans toute l’Angleterre, mais rien ne pouvait exclure que les populations se soient « contaminées » entre elles. « Un autre problème venait de l’absence de preuve directe du rôle de la prédation dans cette évolution », ajoute Jonathan Waters, professeur de biologie à l’université Otago, en Nouvelle-Zélande.

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L’équipe de l’universitaire a publié, le 24 octobre, dans la revue Science, un article « qui achève la démonstration », salue Patrik Nosil, directeur de recherche CNRS au centre de Moulis (Ariège). Sur un autre insecte : le plécoptère, souvent appelé « perle » ou « mouche de pierre ». Le groupe compte 2 000 espèces, étalées à travers le globe. Mais c’est à deux de ses représentants que s’est intéressé Jonathan Waters.

Résidus de bois et de feuilles

D’un côté Austroperla, une perle sombre aux pattes zébrées qui présente la particularité d’être toxique à ceux qui la consomment. De l’autre Zelandoperla, tout aussi sombre, pareillement zébrée, mais comestible. Les oiseaux ne savent pas faire la différence. Ainsi Zelandoperla se trouve protégée par Austroperla. Un phénomène que la science a baptisé « mimétisme batésien » – en hommage à son découvreur, Henry Bates (1825-1892). Edifiant mais courant, pour ne pas dire banal.

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Sauf que les chercheurs néo-zélandais ont découvert que certaines Zelandoperla avaient troqué leur robe sombre pour une tunique claire. En séquençant les individus, ils ont constaté que ce changement de costume correspondait à la mutation d’un unique gène. Ils ont surtout observé qu’il était advenu dans des zones où la forêt avait subi des coupes massives au cours des dernières décennies, réduisant très largement la population d’Austroperla, qui se nourrit précisément de résidus de bois et de feuilles. Et ils ont noté la même transformation sur plusieurs sites totalement isolés les uns des autres.

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