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La salve de droits de douane tirée, mercredi 2 avril, par Donald Trump sur les exportations du reste du monde vers Etats-Unis n’est pas seulement stupide sur le plan économique, elle est aussi profondément injuste, car elle cible de façon incompréhensible et accablante les pays les plus pauvres. Dans son emportement contre la terre entière, qu’il accuse d’« arnaquer » les Etats-Unis, le président milliardaire n’a pas fait de détail. Le quart-monde est mis sur le même plan que les économies développées et même parfois traité plus durement.
Comme si le tremblement de terre, qui a frappé la semaine dernière la Birmanie, n’était pas assez tragique, le pays se voit imposer des droits de douane de 45 %. Le Cambodge, dont le PIB équivaut à l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid), a eu les honneurs d’une digression de la part de Donald Trump pendant la présentation de sa politique commerciale, depuis la roseraie de la Maison Blanche. « Oh, regardez le Cambodge, 97 % (de droits de douane) », a-t-il annoncé, avant de feindre de se montrer bon prince : « On va les ramener à 49 %. » « Ils ont fait fortune grâce aux Etats-Unis », a-t-il osé devant les membres hilares de son cabinet.
Les exportations du Sri Lanka, qui a fait défaut sur sa dette en 2022, seront taxées à un taux prohibitif de 44 %. Le Lesotho avait tort de se croire protégé par un accord commercial négocié en 2000 par Bill Clinton. Sa taxe sera de 50 %, alors que les Etats-Unis constituent la deuxième destination de ses exportations. Un coup fatal à l’économie de ce petit pays d’Afrique australe, enclavé au sein de l’Afrique du Sud. Madagascar, Syrie, Irak, Angola, Bangladesh : la liste donne le vertige face à tant d’iniquité de la part de la première puissance mondiale, dont le PIB par habitant est parmi les plus élevés de la planète.
Si la folie protectionniste de Donald Trump risque d’avoir des effets délétères sur la croissance des membres de l’Union européenne, de la Chine ou même des Etats-Unis, ces pays s’en remettront. En revanche, pour les pays en voie de développement les plus fragiles, les conséquences seront dramatiques en termes de pauvreté, de chômage et de stabilité politique.
Le coup porté est d’autant plus rude qu’il s’accompagne du retrait concomitant des subsides de l’Usaid décidé par le même Donald Trump. Privés de soutien humanitaire et sanitaire, des dizaines de pays sont désormais sur le point de perdre de précieux revenus d’exportation sans lesquels leur économie risque de s’effondrer.
Ces derniers n’ont rien de « profiteurs », comme le prétend le président des Etats-Unis. Leur seul tort est d’afficher des excédents commerciaux vis-à-vis des Etats-Unis uniquement parce qu’ils bénéficient de politiques de développement – notamment grâce à des franchises de droits de douane – préconisées justement par Washington.
Donald Trump a beau éprouver un sentiment de toute-puissance en contraignant la partie la plus pauvre de la planète à implorer sa clémence douanière, pour les Etats-Unis, cette hubris va se payer très cher sur le long terme. Le cynisme américain d’aujourd’hui va inévitablement nourrir le ressentiment d’une large partie de la communauté internationale. Entre les pays qui tourneront le dos aux Etats-Unis et ceux qui se rapprocheront de la puissance chinoise, il y a de quoi s’interroger plus que jamais sur la stratégie de Donald Trump. Celui qui voulait rendre sa grandeur à l’Amérique est en train de conduire à son affaiblissement avec une indécence impardonnable.
