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Histoires Web mardi, juin 25
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Son bureau, c’est le grand air, la forêt et les bords de route. Equipé d’une paire de jumelles, Antoine Rougeron balaie l’horizon. Ornithologue depuis deux décennies, le quadragénaire consacre ses matinées de printemps à compter les oiseaux et, surtout, le busard cendré, pour lequel il a développé une passion durant son mémoire de gestion et protection de la nature. « Il y a vingt ans, j’avais répertorié vingt-quatre couples à moi seul. Cette année, avec un collègue, on en a dénombré seulement cinq. »

Il faut dire que le spécimen a pour habitude de nicher à même le sol dans les plaines agricoles. Les petits n’ont pas le temps d’apprendre à voler qu’ils sont happés par les moissonneuses. « Quant à ceux qui survivent, ils vont devoir affronter une série de péripéties : les migrations, les éoliennes, la fin du garde-manger à cause des insecticides… Je pense forcément à tout cela quand je me saisis de mes jumelles. A ma petite échelle, je me rends compte que tout me file entre les doigts », confie le salarié de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).

Soudain, un pulvérisateur s’engage dans le champ en dépliant ses bras mécaniques. « S’il y en a, les alouettes vont prendre leur petite averse de phytos », lâche Antoine Rougeron. Encore une espèce qui fait son nid au sol, au milieu des grandes cultures, et dont les effectifs baissent inexorablement de 1 % à 2 % par an. « Il y a vingt ans, en cherchant les busards, on pouvait entendre deux, trois cailles des blés qui se répondaient, reconnaissables à leur chant rigolo : “Pouiiit, pouit, pouit !” Cela fait des années que je ne les entends plus. » Avec leurs couvées planquées au milieu des champs d’orge ou de colza, le busard cendré, l’alouette des champs ou la caille des blés sont des cas d’école d’un phénomène qui les dépasse.

Une biodiversité redistribuée

En moins de trente ans, quatre cent vingt et un millions d’oiseaux se sont éclipsés des cieux européens. Cela semble peu au regard des cinquante milliards de volatiles peuplant la planète, mais c’est un déclin d’envergure, et très rapide. Environ vingt millions de ces joyaux à bec et à plumes se soustraient à notre regard chaque année en Europe. En raison du réchauffement climatique, certains se déplacent, beaucoup meurent et les cartes de répartition de la biodiversité sont redistribuées. L’élanion blanc ou le guêpier d’Europe sont désormais présents dans toute la France ; la corneille, le merle noir et le pigeon ramier se portent fort bien ; a contrario, le moineau friquet ou le pipit farlouse frôlent l’extinction.

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