En plein week-end de Pâques, le 19 avril, a été publié au Journal officiel le « décret modifiant les conditions de recrutement et de formation des corps enseignants, du personnel d’éducation et des maîtres de l’enseignement privé sous contrat du ministère chargé de l’éducation nationale ». Annoncé depuis plus d’un an, contesté dès le printemps 2024 (alors que le ministère distillait des fuites savamment organisées comme des ballons d’essai), gelé au début de l’été en raison de son coût jugé insoutenable par la Cour des comptes, ce texte paraît sans même que le temps ait été mis à profit pour engager un dialogue avec les professionnels de terrain, formateurs, syndicats, sociétés savantes…
Ce décret pose le principe d’un concours ouvert aux étudiants de troisième année de licence, qui n’auront donc que deux ans et demi de formation disciplinaire pour se mettre au niveau d’épreuves que nous espérons toujours aussi exigeantes.
La formation intellectuelle s’inscrit sur le temps long. La licence aujourd’hui repose sur une progressive spécialisation disciplinaire : en première année, on reprend les bases. En deuxième et troisième années, on apporte des contenus plus spécialisés, qui constituent la culture disciplinaire d’étudiants dont une partie seulement se dirigera ensuite vers l’enseignement.
Or placer le concours dans le courant de la troisième année implique d’amputer largement cette formation disciplinaire pour la concentrer sur le programme du concours, pour tous les étudiants, y compris celles et ceux qui n’envisagent pas de devenir enseignants, et auront donc des compétences réduites pour se projeter dans la poursuite de leurs études.
On nous rétorquera que, jusqu’en 2010, le capes se déroulait à la fin de la licence. D’une part, les candidats, titulaires de la licence, suivaient ensuite un an de préparation spécifique au concours. D’autre part, le volume des enseignements disciplinaires ayant diminué au fil des injonctions ministérielles, le diplôme de licence ne garantit plus un bagage scientifique suffisant pour asseoir la légitimité de l’enseignant face à ses classes.
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