L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Le fantastique, au cinéma comme ailleurs, eut à chaque époque cette vocation de redéfinir le partage mouvant du visible et de l’invisible. A cette tâche Les Maudites se prête avec une grande générosité formelle et narrative. Et ce, dès sa scène inaugurale, qui accroche le regard comme rarement. Une jeune femme se rend en boîte de nuit, mais sur la piste elle est prise de spasmes violents, comme agressée par une force extérieure. Ce « bad trip » sans paroles est filmé d’une seule coulée, où les travellings vertigineux associés au jeu des stroboscopes nous entraînent sur le terrain glissant de la sensation pure. A peine amorcée, l’intrigue se double déjà d’une dimension optique. Quelque chose vient de nous entrer dans l’œil, sans qu’on sache encore bien quoi.
Porté par une belle rumeur festivalière (San Sebastian, Gérardmer, Paris), le premier long-métrage de Pedro Martin-Calero est une petite pépite inattendue du fantastique espagnol, dont on espère que la sortie ne sera pas minorée par le derby cannois. Animé d’un goût évident du cinéma, riche de références larges (de Brian De Palma à Krzysztof Kieslowski), le film propose une variation contemporaine sur la hantise – mais une hantise adolescente, qui se refile comme une maladie, à la façon de It Follows (2014), de David Robert Mitchell. D’où son récit en triptyque qui organise un relais mystérieux entre plusieurs héroïnes, ouvrant ainsi une perspective transgénérationnelle. Sans pour autant que cette complexité perde de vue l’émotion, comme le suggère le beau titre original, El Llanto, comprendre « les pleurs ».
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