Jeudi 23 janvier dans l’après-midi, dans le sud de l’Essonne, une opération de gendarmerie cible deux véhicules. A l’intérieur, trois hommes et la compagne de David Balland, figure française du secteur des cryptomonnaies et cofondateur de l’entreprise Ledger. C’est l’épilogue d’une chasse à l’homme de quarante-huit heures qui aura permis de retrouver l’entrepreneur, libéré par le groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) vingt-quatre heures plus tôt, et sa compagne.
Le couple avait été enlevé au petit matin du mardi 21 janvier à son domicile, dans la commune de Méreau, près de Vierzon (Cher), où se situe le siège de Ledger. Contraints de monter dans deux véhicules, l’homme et la femme avaient été séparés. L’identité des ravisseurs n’a pas été révélée mais dix personnes ont été placées en garde à vue entre mercredi et jeudi : neuf hommes et une femme, âgés de 20 à 40 ans et pour la plupart connus des services de police. Les preneurs d’otages exigeaient une « importante rançon en cryptomonnaies », selon le parquet de Paris.
Sur les dix interpellés, sept devaient être déférés vendredi 24 janvier en vue d’une mise en examen, le parquet requérant leur placement en détention provisoire. Trois autres personnes, interpellées jeudi après-midi « à proximité immédiate du lieu de libération » de la compagne de M. Balland, n’ont pas de « lien établi » avec l’enquête et ont été « libérées sans poursuites », selon le parquet de Paris.
Le couple n’avait pas été choisi au hasard : David Balland a cofondé, en 2014, la société Ledger, l’une des entreprises phares du secteur des cryptomonnaies en France. Ses portefeuilles physiques sécurisés, réputés particulièrement robustes, sont très prisés des investisseurs – l’entreprise est valorisée à environ 1,3 milliard d’euros.
Un autre cofondateur et ex-PDG de la société, Eric Larchevêque, qu’une rumeur en ligne avait initialement désigné comme la victime du kidnapping, a dit, jeudi soir, sur les réseaux sociaux son « immense soulagement » après la libération des deux victimes, et adressé ses remerciements aux « forces de l’ordre, avec une mention particulière pour le GIGN ».
230 gendarmes mobilisés
Ouverte, mardi, par le parquet de Bourges, puis transférée dans un second temps à Paris et à sa juridiction nationale de la lutte contre la criminalité organisée, l’enquête s’annonce au départ particulièrement complexe. Pour faire parvenir leur demande de rançon, envoyée à un autre cofondateur de Ledger, les ravisseurs ont utilisé un compte WhatsApp rattaché à un numéro de téléphone en Asie du Sud-Est, ainsi qu’un VPN (réseau privé virtuel), rendant leur pistage très difficile. Les enquêteurs décident alors d’envoyer un bitcoin (soit environ 100 000 euros) afin de gagner du temps et de tenter de tracer la transaction.
Selon les informations du Monde, c’est l’arrestation d’un véhicule suspect par la brigade anticriminalité de Vierzon qui a permis à l’enquête de connaître un coup d’accélérateur : à bord du véhicule, qui a été volé, un homme reconnaît faire partie du groupe qui a enlevé le couple Balland. L’exploitation de son téléphone permet de remonter la trace d’un autre téléphone, géolocalisé à Châteauroux. Lorsque le GIGN intervient à l’adresse où se situe le portable, ils retrouvent M. Balland, en vie mais blessé : furieux de ne pas recevoir la rançon, ses ravisseurs lui ont sectionné un doigt et envoyé la vidéo de la mutilation à Ledger.
Des faits passibles de la réclusion à perpétuité
Sa compagne n’est, en revanche, pas sur place. Les recherches redoublent, alors qu’un très important dispositif, comptant notamment 230 gendarmes, dont 91 agents du GIGN et des équipes techniques spécialisées, est déjà déployé. Sa trace est finalement retrouvée, jeudi à la mi-journée, à Etampes (Essonne), grâce à une combinaison de recoupements. Elle se trouvait dans un véhicule, ligotée, mais en bonne santé. Six suspects sont interpellés par les gendarmes.
Une information judiciaire a été ouverte, vendredi 24 janvier, des chefs d’enlèvement et séquestration en bande organisée, accompagnés d’actes de torture ou de barbarie, et d’extorsion avec armes, ainsi que pour blanchiment en bande organisée et association de malfaiteur. Des faits passibles de la réclusion criminelle à perpétuité.
Le Monde
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Le 31 décembre 2024, le père, la mère et la sœur d’un influenceur français spécialisé dans les cryptomonnaies avaient été enlevés et séquestrés durant plusieurs heures dans l’Ain – là encore, une rançon avait été demandée. La mère et la sœur avaient été libérées par les gendarmes après que l’influenceur avait donné l’alerte. Son père avait été retrouvé vingt-quatre heures après son enlèvement, à 600 kilomètres de chez lui. Là encore, c’est le contrôle d’un véhicule suspect par les forces de l’ordre qui avait permis de retrouver l’homme, ligoté, aspergé d’essence et enfermé dans le coffre du véhicule. Aucun lien n’est pour l’heure établi entre les deux affaires.
Rectificatif le 24 janvier à 11 h 04 : Correction d’une erreur sur le nom du service d’enquête supervisant les investigations et sur les fonctions actuelles de M. Larchevêque.