Meilleures Actions
Histoires Web dimanche, mars 16
Bulletin

Noz’ambule, Les Catherinettes… Depuis quelques années, les dispositifs de prévention des violences sexuelles et sexistes (VSS) pendant les fêtes se multiplient. Effet de la vague #MeToo, mais aussi prise de conscience de la gravité de la situation. Réalisée en 2018, une enquête de l’association Consentis auprès de 1 030 fêtardes et fêtards avait produit un électrochoc dans le petit monde de la nuit : 60 % des femmes déclaraient avoir été victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle en milieu festif.

Spécialistes des questions de genre et d’égalité, les sociologues Julie Besnard et Louise Gasté confirment que la fête est l’espace de tous les dangers : « La foule, la sensation d’absence de normes, le relâchement collectif, la désinhibition liée à l’alcool et aux drogues » accentuent les vulnérabilités des potentielles victimes, et créent chez les agresseurs « un sentiment d’invulnérabilité et de déresponsabilisation ».

Lire aussi | A Rennes, la teuf jusqu’au bout de la nuit

D’où la multiplication des initiatives de prévention, de sensibilisation et de prise en charge des victimes. Le dispositif Noz’ambule, déployé par la municipalité de Rennes pour réduire les risques dans les pratiques festives, a, par exemple, intégré il y a quatre ans, le « risque VSS » dans ses actions. Depuis 2020, l’association Les Catherinettes intervient dans les festivals. Elle met en place, avec les organisateurs, un stand de prévention et un dispositif de prise en charge des victimes lors de l’événement. L’association forme en amont les équipes bénévoles et professionnelles.

Stratégies d’adaptation des filles

Ces dispositifs tentent, au-delà de la prise en charge des violences, de créer des lieux dans lesquels les fêtardes peuvent profiter de la fête, et lâcher prise. En effet, face aux violences, nombreuses sont celles qui adoptent des stratégies d’adaptation : porter des tenues couvrantes, éviter certains endroits, ne jamais être seule… La fête devient alors une logistique complexe, privant de l’insouciance et de la détente qu’elle est censée incarner.

Bien que la prise de conscience progresse, la lutte contre les VSS se heurte encore à de nombreuses limites. Les actions de prévention tendent souvent à responsabiliser les victimes plutôt qu’à prévenir les risques. C’est le cas d’initiatives comme les « capotes de verre », censées protéger contre les substances placées dans les verres à l’insu du consommateur. « Faire de la prévention avec les capotes de verre, c’est déplacer la charge sur celles et ceux qui subissent les agressions plutôt que d’agir sur les agresseurs », déplore Mélanie Gourvès, directrice de l’association Les Catherinettes.

Lire aussi | A l’université de Lille, une formation de prévention contre les violences sexistes et sexuelles obligatoire pour les étudiants : « Ça nous montre qu’elles arrivent partout et tout le temps »

Les associations soulignent également les travers d’une prévention limitée à l’espace festif. L’initiative Noz’ambule, qui intervient dans les lycées pour sensibiliser les adolescents aux risques VSS, estime par exemple qu’il est important d’agir au moment où se construisent les pratiques festives, chez les futurs fêtards et fêtardes.

Hostilité ou réticence des organisateurs

En outre, selon Julie Besnard et Louise Gasté, certains organisateurs « restent hostiles à s’engager dans cette démarche ». Ils craignent « que des signalements de violences fassent de la mauvaise pub à leur événement » et sont parfois réticents à engager le budget nécessaire à la prise en charge des VSS. Pourtant, les deux sociologues expliquent que, « en tant qu’acteurs influents, les organisateurs ont un rôle-clé à jouer et devraient adopter une position claire et engagée, qui passe par une politique de tolérance zéro, pour responsabiliser les agresseurs potentiels ».

Lire aussi | Arnaud Idelon, noctambule et enseignant : « La fête participe à nourrir l’espoir »

Ces enjeux amènent certains fêtards et fêtardes à repenser leurs pratiques festives. « Aujourd’hui, la jeune génération accorde une importance particulière aux espaces festifs, et expose ses exigences, notamment en matière de VSS et d’inclusivité », constate Mélanie Gourvès. De nombreuses personnes se tournent vers des fêtes en appartement, entre amis et dans des cercles plus restreints, au détriment des grands rassemblements. Ou encore vers des fêtes organisées en mixité choisie (par exemple, ici, entre femmes et minorités de genre mais sans hommes cisgenres), qui répondent à un besoin de créer des environnements festifs plus sûrs et inclusifs.

Cet article a été réalisé, dans le cadre d’un partenariat avec les Champs libres et Rennes Métropole, par des étudiants de Sciences Po Rennes, à l’occasion de la quatrième édition du festival Nos futurs, qui se déroule du 21 au 23 mars aux Champs libres, et dont Le Monde est partenaire.

Lire aussi | Festival Nos futurs à Rennes : participez à nos « grandes assemblées »

Réutiliser ce contenu

Share.
© 2025 Mahalsa France. Tous droits réservés.