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Histoires Web lundi, décembre 23
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« Littérature contemporaine de Lituanie », Vilnius Review/Revue de Vilnius 2024, 248 p., 20 €.

Au début, le lecteur du nouveau numéro, en français, de la Vilnius ­Review voudra peut-être s’appuyer sur quelques repères plus ou moins familiers. Il a pu lire, parmi les auteurs de Lituanie traduits en France, la poésie ou les romans de Tomas Venclova, Valdas Papievis, Undine Radzeviciute, Alvydas Slepikas. Il se souvient sans doute, en les retrouvant au sommaire, s’être dit qu’il se passe des choses singulières dans la littérature du pays balte. Mais voilà tout. Après, l’inconnu commence.

C’est alors que la Vilnius Review, par tout l’inédit accumulé – nouvelles, poèmes, extraits de romans, entretiens, études… –, accomplit sa double promesse. Celle de faire connaître la littérature lituanienne en traduisant ses auteurs en anglais, à destination du public européen, sa mission depuis 1994. Et celle qu’elle relaye pour nous : la promesse d’accroissement indéfini de nos curiosités qu’incarnent les « saisons culturelles étrangères » programmées chaque année en France, dont la Lituanie est l’invitée cet automne.

Le principe, résume Dainius Gintalas, le rédacteur en chef, est que « le lecteur francophone puisse se faire l’idée la plus vivante et la plus profonde possible de la littérature lituanienne » des « cinq dernières années ». Il ne s’agit pas d’un exercice d’histoire littéraire, même récente. Il s’agit d’immédiateté, de « flux littéraire » où se laisser emporter, dans une profusion de formes contemporaines qui rend d’emblée la lecture réjouissante.

Surgit, au début d’une nouvelle de Jurga Tumasonyte, une lune « molle, dilatée de lumière » au-dessus d’un lac sombre qui sent « le sang frais » – une jeune fille nage, comme on traverserait au pas de charge une maison hantée. Ailleurs, une licorne, ou plutôt une « corne de deux mètres/une preuve solennelle que les licornes existent », même si la jeune poète Ieva Toleikyte a le sourire en coin : « En tant que personne prétentieuse du XXIe siècle,/ je savais que c’était une défense de narval. »

Un sens de l’instabilité

D’une page à l’autre, parfois d’un paragraphe, d’un vers à l’autre, les tons, les images glissent, s’entrechoquent. « Le vent fait danser un ticket de loto sur les pavés/Le prochain sera gagnant/Un enfant court empoignant un AK-47 en plastique/Quel beau cadavre vous élevez », écrit Simonas Bernotas. Ce sens de l’instabilité apparaît vite comme un trait commun entre tant d’auteurs à la personnalité par ailleurs très affirmée. Cette évidence, que le monde n’est pas solide.

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