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La baisse de compétitivité de l’Europe, le renforcement de sa base industrielle de défense et la course mondiale à l’intelligence artificielle nécessitent d’accroître les investissements dans la capacité d’innovation de l’économie européenne. Pour y parvenir, les récents rapports des anciens présidents du conseil des ministres italiens Mario Draghi et Enrico Letta appellent à la création d’une version européenne de l’Agence pour les projets de recherche avancée de défense (Darpa) américaine.

En réalité, plusieurs institutions de ce type existent déjà en Europe, notamment le Conseil européen de l’innovation (CEI), l’Agence fédérale pour l’innovation de rupture (Sprind) allemande, ou encore l’Agence de la recherche avancée et de l’invention (ARIA) britannique. Seulement voilà, toutes ces institutions échouent jusqu’à présent à concrétiser pleinement le potentiel d’une « Darpa européenne ».

Créée en réponse au lancement du satellite Spoutnik par l’Union soviétique en 1957, la Darpa applique un modèle révolutionnaire d’investissement dans la recherche, qui diffère des pratiques européennes actuelles.

Lire aussi la chronique (2021) | Article réservé à nos abonnés « Une agence nationale pour l’innovation de rupture, pour faire quoi ? »

Tout d’abord, elle cible les problèmes spécifiques à la défense et à la sécurité des Etats-Unis. Par opposition, l’ARIA travaille actuellement sur sept « domaines d’opportunité » allant des neurotechnologies de précision aux mathématiques pour une intelligence artificielle (IA) sûre. Quant à la Sprind, si elle se concentre sur de moins nombreux sujets, aucun d’entre eux ne concerne la défense.

La Darpa offre également une importante autonomie décisionnelle à ses directeurs de programme. Après avoir identifié un besoin ou un défi dans le cadre général de la mission de défense, ces directeurs définissent un « espace technologique inexploré », et sélectionnent des projets susceptibles de le combler. Si l’ARIA est parvenue à reproduire cette approche, les agences européennes de financement continuent en revanche de s’appuyer sur un système institutionnalisé de révision par les pairs et sur des procédures de sélection longues et fastidieuses. Ces procédés ralentissent le rythme de l’innovation, excluent certaines des idées les plus inventives et conduisent les agences de l’Union européenne (UE) à prendre du retard par rapport à leur équivalente américaine.

Redistribution des fonds

La Darpa dispose également d’un budget beaucoup plus important : plus de 4 milliards de dollars [3,76 milliards d’euros] par an. A titre de comparaison, le CEI a attribué au total 159 millions d’euros à 43 nouveaux projets dans trois vastes domaines en 2023. La Sprind a alloué entre 500 000 et 3 millions d’euros à un nombre moins élevé de projets. Les subventions de l’ARIA s’élèvent de 400 000 livres sterling (environ 480 000 euros) à 10 millions de livres, mais son financement est trop limité pour exercer un impact appréciable sur ses nombreux domaines de recherche.

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