A se focaliser sur les spectaculaires vols d’essai du Starship – la fusée géante de SpaceX –, sur la petite poignée de vols habités qui ponctuent, chaque année, la vie de la Station spatiale internationale ou bien sur les rares sondes scientifiques qui partent explorer le Système solaire, on pourrait croire que s’arracher à la Terre reste une activité exceptionnelle. Ce serait oublier que le secteur spatial est, depuis quelques années, pris d’une frénésie de mises en orbite de satellites et que des lancements ont désormais lieu presque tous les jours. Deux cent onze décollages réussis en 2023, un record qui sera battu en 2024.
« Au cours de la dernière décennie, décrit Stijn Lemmens, expert ès débris spatiaux à l’Agence spatiale européenne (ESA), les activités spatiales ont connu une croissance exponentielle. » Une évolution due, en grande partie, à Elon Musk qui a non seulement imposé le concept de fusée réutilisable, mais a aussi commencé à déployer sa mégaconstellation de satellites Starlink, lesquels fournissent de l’Internet depuis l’espace. Un programme en voie d’être imité par d’autres acteurs, privés comme Amazon ou étatiques puisque la Chine et l’Union européenne désirent aussi leur mégaconstellation.
Résultat : « Au cours des trois dernières années, nous avons observé plus de lancements de satellites qu’au cours des soixante années précédentes, observe Stijn Lemmens. Aujourd’hui, le nombre annuel de satellites mis en orbite se compte en milliers, avec plus de 2 400 objets en 2023, et cette tendance devrait se poursuivre. Au cours de la prochaine décennie, nous prévoyons un afflux sur l’orbite terrestre basse qui pourrait s’élever à plusieurs dizaines de milliers de satellites. »
Jusqu’à présent, la principale inquiétude que suscitait cette prolifération tenait au risque de collision entre engins. Cependant, des études scientifiques publiées çà et là depuis 2020 ont identifié une nouvelle menace, insidieuse : une perturbation grave de la haute atmosphère et en particulier de la couche d’ozone stratosphérique. Celle-ci, qui joue un rôle protecteur pour la vie sur Terre en absorbant les ultraviolets nocifs émis par le Soleil, se remet à peine d’une destruction partielle due à nos émissions de substances chimiques, les chlorofluorocarbures.
« Nous n’en sommes qu’au début »
Ironiquement, c’est en s’efforçant d’être propres, en voulant nettoyer l’orbite basse, que les acteurs du spatial risquent de polluer et d’endommager la haute atmosphère. Les règles de bonne conduite les obligent, en effet, à désorbiter les satellites en fin de vie pour ne pas qu’ils se transforment en déchets de l’espace. Les opérateurs laissent donc leurs machines redescendre vers la Terre. Se frottant à très grande vitesse sur les couches supérieures de l’atmosphère, elles s’y vaporisent pour tout ou partie. En 2023, environ 700 satellites et 200 étages supérieurs de fusées ont ainsi terminé leur voyage céleste.
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