Lorsqu’il est enfin rentré auprès des siens, en octobre 2023, il suffisait à Xu Bochun de passer la main dans ses cheveux pour les voir tomber. Son corps était en souffrance ; en trois mois, la peur l’avait changé. Aujourd’hui encore, les larmes lui viennent quand il retrace ses malheurs d’une voix discrète : douze semaines passées aux mains des mafias de l’arnaque en ligne, coincé dans un vieil hôtel d’une zone du nord-est de la Birmanie tenue par une guérilla…
Tout commence à Shanghaï au début de l’été 2023. Xu Bochun, alors âgé de 37 ans, rêve de devenir acteur de cinéma mais se contente de rôles de figurant. Voilà trois ans, depuis le début de l’épidémie de Covid-19, qu’il n’a plus d’emploi stable. Aussi, lorsqu’un nouveau contact dans un groupe de prétendants aux métiers du cinéma sur la messagerie WeChat lui fait miroiter le tournage d’une série, il croit sa chance arrivée. Le cachet est correct (1 300 euros en un mois), et la série promise à une large diffusion à la télévision chinoise.
Xu envoie quelques extraits de ce qu’il a fait par le passé. Son interlocuteur lui confirme rapidement que sa candidature est retenue. Dans la foulée, la production lui envoie un billet de train pour le Yunnan, à l’autre bout du pays. Après deux jours de voyage, le trentenaire parvient à l’adresse indiquée, à Xishuangbanna, l’une des villes les plus proches de la frontière birmane. Quand un homme prend sa carte d’identité et son téléphone, Xu ne s’inquiète pas outre mesure : il arrive que l’équipe d’un film demande ainsi le titre d’identité pour gérer la question du logement.
Zone de non-droit
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