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Seulement trois semaines après la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président de la République à la suite de la débâcle de son parti aux élections européennes, les Français sont de nouveau appelés aux urnes, dimanche 30 juin.

Si les estimations du rapport de force entre les grandes formations politiques, exprimées en pourcentages, sont généralement proches de la réalité, les projections en nombre de sièges potentiels pour chaque parti le sont beaucoup moins, au soir du premier tour, tant l’issue du second tour dépend des situations spécifiques à chacune des 577 circonscriptions.

Estimations, projections en sièges et résultats définitifs : Les Décodeurs du Monde font le point sur les différents chiffres qui circulent le jour des élections.

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Les estimations en voix dévoilées à 20 heures

A 20 heures précises, les derniers bureaux de vote des grandes métropoles ferment leurs portes, levant l’interdiction de diffuser des résultats. La plupart des médias souhaitent alors donner à leurs lecteurs le résultat du scrutin, avec les pourcentages nationaux obtenus par chaque parti ou coalition. Pour cela, les instituts de sondage réalisent des estimations fondées sur les résultats d’un nombre défini de bureaux qu’ils jugent représentatifs du vote des Français.

Comme l’IFOP ou Harris Interactive, Ipsos – qui produit l’estimation Ipsos-Talan pour divers médias – utilise cette méthode. L’institut envoie ses enquêteurs dans 560 à 600 bureaux constituant leur échantillon. Chacun d’entre eux assiste au dépouillement et transmet :

  1. à la fermeture du bureau, l’information du nombre de votants, pour estimer l’abstention ;
  2. au bout des deux cents premiers bulletins dépouillés, un résultat partiel avec les scores obtenus pour chaque candidat ;
  3. à la fin du dépouillement du bureau de vote, l’ensemble des résultats.

L’institut centralise toutes ces remontées et calcule l’estimation du résultat final à partir d’un modèle statistique, tenant compte des particularités géographiques (communes rurales, petites ou grandes villes, etc.) et politiques (bureaux traditionnellement à gauche ou à droite, renversement ou consolidation des tendances observées au précédent scrutin, etc.)

Il ne s’agit pas d’un simple comptage : dans le cas d’Ipsos, environ 70 % des bureaux de l’échantillon ferment à 18 heures, 5 à 10 % à 19 heures et le reste, 20 % à 25 % à 20 heures. Sachant qu’il faut environ une heure pour dépouiller l’intégralité des bulletins d’un bureau (moins, si l’abstention est élevée), les instituts ne disposent, à 20 heures, ni des résultats partiels des bureaux qui viennent de fermer ni même des résultats complets de ceux ayant fermé leur porte à 19 heures. A chaque fois que des décomptes s’ajoutent, les algorithmes affinent les estimations.

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Ce système comporte une faiblesse puisqu’il s’appuie sur les dynamiques de vote constatées dans les bureaux qui ont déjà fermé, pour les projeter sur ceux qui ferment à 20 heures. Or ce ne sont pas toujours les mêmes. Si les résultats de bureaux de votes fermant à 18 et 19 heures se trouvent être 10 points au-dessus pour un parti ou un candidat que lors de précédentes élections, mais que la dynamique est différente dans les métropoles fermant plus tard, la première estimation donnée à 20 heures risque d’être erronée avant d’être affinée ensuite. Ce scénario est rare, mais s’est produit au premier tour de la présidentielle 2022 : les estimations du score de Jean-Luc Mélenchon avoisinaient 18 % à 20 heures avant de remonter au cours de la soirée pour approcher 22 % à mesure qu’étaient pris en compte les résultats des grandes villes, où il a fait de meilleurs scores.

Des spécificités liées à une hausse de participation attendue

La méthode décrite ci-dessus fournit une estimation correcte des rapports de force nationaux entre les différents partis et coalitions. Mais elle ne présage que très imparfaitement de la composition de la future assemblée, puisque celle-ci dépendra de 577 élections distinctes.

Le Monde

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De plus, la hausse attendue de la participation qui risque de compliquer singulièrement la donne pour les sondeurs. Selon une enquête Ipsos du 27 juin, entre 61 % et 65 % des électeurs pourraient aller voter, contre 47,5 % en 2022.

Mathématiquement, plus la participation est élevée, plus il y a de chance que trois – exceptionnellement quatre – candidats puissent se maintenir au second tour. Sont qualifiés les deux candidats arrivés en tête, ainsi que ceux qui ont obtenu un nombre de voix supérieur à 12,5 % des inscrits. En 2022, du fait de la faible participation, seules 8 triangulaires avaient été possibles dans les 577 élections.

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« L’incertitude des simulations de sièges augmente au soir du premier tour avec le nombre de triangulaires. Par exemple, avec les résultats de 2022, une participation à 60 % aurait conduit à 120 triangulaires, et jusqu’à 200 avec 65 % de participation », détaille Jean-François Doridot, directeur général d’Ipsos Public Affairs.

Les instituts de sondage doivent intégrer ces paramètres dans leur échantillon de bureaux de vote. « Quand on prépare un premier tour, on prépare déjà un second tour, précise M. Doridot. Comme on ne connaît pas les résultats du premier tour, on a besoin d’avoir des bureaux de vote qui refléteront toutes les configurations de triangulaires possibles au second tour, pour pouvoir anticiper les reports de voix. »

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Des projections en sièges « très, très fragiles »

« Très, très fragile », « périlleux », « à prendre avec beaucoup de prudence »… tous les sondeurs que nous avons interrogés s’accordent sur les limites des projections en sièges diffusées le soir du premier tour. « C’est comme si le soir du premier tour de la présidentielle, on essayait de donner le score du deuxième tour », nous expliquait déjà, en 2022, Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l’IFOP. Qui reconnaissait qu’il existe une « pression médiatique et politique très forte pour qu’il y ait des projections en sièges » malgré une fiabilité limitée.

Contrairement aux estimations nationales en pourcentages, qui se fondent sur les résultats réels de centaines de bureaux de vote, la projection en sièges se fait sur la base d’enquêtes d’opinion. Harris Interactive interroge 6 000 à 7 000 personnes le jour du scrutin pour « connaître la sociologie du vote, les motivations des électeurs et les comportements électoraux potentiels dans le cadre du second tour ».

« On interroge des personnes sur le second tour sans avoir le résultat du premier, on ne connaît pas encore les duels ou les triangulaires de leur circonscription », commente Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion chez Harris Interactive. Les sondés sont interrogés sur plusieurs hypothèses de second tour, ce qui permet aux instituts de calculer d’éventuels reports de voix. « La fragilité de la simulation en sièges vient du fait qu’elle est basée sur des informations qui sont mesurées avant le premier tour », abonde Jean-François Doridot d’Ipsos.

Pour donner une idée du nombre de sièges que pourrait obtenir chaque formation politique, les sondeurs prennent comme base l’estimation nationale des résultats du premier tour et la projettent dans chacune des circonscriptions françaises. Cela donne les 577 affiches éventuelles du second tour sur lesquels ils calquent les résultats de leurs enquêtes d’opinion, pour estimer les reports de voix des candidats non qualifiés et esquisser l’Assemblée nationale possible à l’issue du second tour.

Chaque parti se voit attribuer une fourchette de sièges, mais la marge d’incertitude reste trop importante. Faire varier d’un ou deux points la tendance d’une force politique au premier tour peut ainsi faire basculer trente à quarante sièges dans l’Hémicycle projeté.

Les responsables des instituts interrogés reconnaissent tous les limites de ces chiffres qui ne rendent pas compte des particularités de chaque circonscription, des figures locales, des dissidents et de la dynamique de campagne de l’entre-deux-tours.

Malgré toutes ces limites, les trois instituts de sondage ont publié des projections en sièges au soir du premier tour il y a deux ans. Jean-François Doridot précise que si l’Ipsos fournira des projections en siège le soir du premier tour, ils n’en proposeront pas avant, « les fragilités avant le scrutin étant trop fortes ».

Au soir du second tour, ces projections devraient au contraire être plus fiables, sans pour autant être exactes au siège près, puisque les sondés auront, cette fois, été interrogés sur des configurations connues et non plus simplement hypothétiques.

Des résultats officiels qui s’égrènent jusque tard dans la nuit

Le ministère de l’intérieur, chargé de l’organisation des élections, commence à diffuser les résultats par commune à partir de 20 heures, puis il met à jour ses publications en continu. En début de soirée, seuls les résultats des plus petites communes, vite dépouillés, sont disponibles.

Après la fermeture et le dépouillement de près de 70 000 bureaux de vote, les résultats sont remontés aux préfectures, qui elles-mêmes les envoient au ministère de l’intérieur. Ils sont ensuite publiés au fur et à mesure. On ne connaît généralement pas les résultats de l’ensemble des circonscriptions avant tard dans la nuit du dimanche au lundi.

Les résultats sont considérés comme définitifs une fois validés par le Conseil constitutionnel, après examen de potentiels cas d’irrégularités.

Une précédente version de cet article a été publiée en juin 2022, à l’occasion des dernières élections législatives.

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