L’effondrement spectaculaire du glacier du Birch, en Suisse, constitue un avertissement angoissant pour les populations qui vivent à l’ombre de glaciers fragiles sur la planète, en particulier en Asie, estiment plusieurs experts réunis au Tadjikistan, samedi 31 mai.
« Le changement climatique et son impact sur la cryosphère auront des répercussions croissantes sur les sociétés humaines qui vivent près des glaciers, près de la cryosphère, et en dépendent d’une manière ou d’une autre », a déclaré Ali Neumann, conseiller en réduction des risques de catastrophes au sein de la direction du développement et de la coopération suisse. Car si le rôle du changement climatique doit encore être scientifiquement prouvé dans l’événement suisse, il a un impact clair sur la cryosphère, la partie de la Terre où l’eau se fige en glace, a-t-il souligné lors d’une conférence internationale sur les glaciers sous l’égide de l’Organisation des Nations unies.
L’évacuation préventive des 300 habitants du village de Blatten, en contrebas du Birch, a évité une catastrophe humaine, bien qu’une personne reste portée disparue. « Ce qui montre qu’avec les bonnes compétences, l’observation et la gestion d’une urgence, vous pouvez réduire significativement l’ampleur de ce type de catastrophe », toujours selon M. Neumann.
La nécessité pour les régions vulnérables de bien se préparer
Pour Stefan Uhlenbrook, directeur du département eau et cryosphère de l’Organisation météorologique mondiale, cela montre la nécessité pour les régions vulnérables comme l’Himalaya de bien se préparer. « De la surveillance au partage des données, aux modèles de simulation numérique, à l’évaluation des dangers et à leur communication, toute la chaîne doit être renforcée », a-t-il déclaré, estimant que « dans de nombreux pays asiatiques les données ne sont pas suffisamment connectées ».
Les géologues suisses utilisent notamment des capteurs et des images satellites pour surveiller leurs glaciers. Mais alors que l’Asie a été la région la plus touchée par des catastrophes liées au climat et aux risques météorologiques en 2023, de nombreux pays y manquent de ressources pour faire de même.
« Nous manquons de ressources pour la collecte intensive de données »
Selon un rapport de 2024 du Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophe, deux tiers des pays de la région Asie-Pacifique disposent de systèmes d’alerte précoce. Mais les pays les moins développés, dont beaucoup sont en première ligne du changement climatique, ont la pire couverture.
« La surveillance existe, mais elle n’est pas suffisante, souligne par ailleurs le géologue Sudan Bikash Maharjan, du centre international pour un développement intégré en montagne, au Népal. Nos terrains et conditions climatiques sont complexes, mais nous manquons aussi de ressources pour la collecte intensive de données. » Pour le géoscientifique Jakob Steiner, qui travaille sur l’adaptation climatique au Népal et au Bhoutan, il ne s’agit cependant pas simplement d’exporter les solutions technologiques suisses. « Ce sont des catastrophes complexes ; travailler avec les populations locales est en fait tout aussi sinon beaucoup plus important », estime-t-il.
La fonte des glaciers de l’Himalaya, plus rapide que jamais
Les glaciers de l’Himalaya, qui fournissent de l’eau à près de 2 milliards de personnes, fondent plus rapidement que jamais, exposant les habitants de cette région à des catastrophes imprévisibles et coûteuses, avertissent les scientifiques. Des centaines de lacs formés à partir de leur fonte sont apparus ces dernières décennies – qui peuvent être dévastateurs lorsqu’ils se déversent brusquement dans la vallée. Le ramollissement du pergélisol augmente, lui, les risques de glissements de terrain.
Selon Declan Magee, du département du changement climatique et du développement durable de la Banque asiatique de développement, la surveillance et les avertissements précoces ne suffisent pas : « Nous devons réfléchir aux endroits où nous construisons (…) et comment réduire leur vulnérabilité. »
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« Chaleur humaine »
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La militante pour le climat et cinéaste népalaise Tashi Lhazom a décrit comment le village de Til, près de chez elle, a été dévasté par un glissement de terrain au début du mois de mai. Les 21 familles qui y résidaient ont réussi à s’échapper, mais de justesse : « En Suisse, elles ont été évacuées des jours avant, ici nous n’avons eu à peine quelques secondes. » « Cette disparité m’attriste mais me met aussi en colère. Cela doit changer », rapporte l’Agence France-Presse.