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« Tous les sujets ont-ils leur place au théâtre ? » A cette question surprenante posée lors du dernier baromètre « Les Français et le théâtre », réalisé par Médiamétrie et publié en juin par l’Association pour le soutien du théâtre privé, 40 % des personnes interrogées ont répondu… non. Ils sont même 50 % à refuser qu’on leur parle de religion sur scène, 49 % des guerres, 43 % de sujets politiques ou engagés. Comme en écho à ces chiffres, producteurs et diffuseurs de spectacles s’inquiètent ouvertement, en cette rentrée, de la difficulté apparemment grandissante de décrocher des dates de tournée dans les théâtres municipaux pour des créations abordant des sujets sociétaux jugés a priori « clivants ».

« Une nouvelle forme de censure se développe sur les territoires de la part de programmateurs guidés par leurs élus locaux, qui préfèrent éviter de mettre à l’affiche, dans leurs lieux, des spectacles portant sur des thématiques qu’ils imaginent heurter une partie de leurs administrés », a souligné, le 9 septembre, Caroline Verdu, vice-présidente du pôle théâtre d’Ekhoscènes, principale organisation des entrepreneurs du spectacle vivant privé, lors d’une rencontre professionnelle.

Egalement directrice du Théâtre La Pépinière, à Paris, Caroline Verdu a alerté sur les conséquences de cette censure, qu’elle qualifie d’« insidieuse » : « On sent poindre la fracture entre les grandes villes et les autres, comme si une partie de la population devait être préservée. Mais préservée de quoi, au juste ? De la diversité, du féminisme, de l’homosexualité, de l’inclusion, du partage ? Une partie de la population française ne devrait plus avoir accès qu’au pur divertissement ? C’est infantilisant, bêtifiant, méprisant pour certains de nos concitoyens. »

« Trop irrévérencieux »

Désormais, suivant la thématique abordée sur scène, le succès d’une pièce à Paris ou au « off » du Festival d’Avignon ne serait plus un gage de tournée en province. Exemple emblématique : Passeport, la dernière création du réputé Alexis Michalik, consacrée à l’itinéraire de migrants et de réfugiés. Alors que cette pièce attire depuis plusieurs mois un public nombreux dans la capitale, « 15 % à 20 % des dates prévues dans des théâtres municipaux ne se feront pas à cause de son sujet », assure Camille Torre, cofondateur d’ACME, société de production de théâtre privé. « Plusieurs programmateurs avaient posé une option ferme, puis nous ont rappelés pour annuler, à cause du veto de l’équipe municipale », regrette-t-il. « La simple raison est que ce spectacle parle de manière positive de l’immigration au moment où les partis les plus réactionnaires la brandissent comme un épouvantail, comme si tous nos malheurs venaient de là », considère Alexis Michalik.

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