Enclavée derrière la « ligne gothique », la Vénétie fut l’une des dernières régions du nord de l’Italie à se libérer de l’occupant allemand au tournant de la seconde guerre mondiale, marquée dans la durée par des faits de résistance radicaux, hautement controversés et tout aussi brutalement réprimés par l’ennemi. Un film extraordinaire, astre noir du cinéma politique italien, Le Terroriste (1963) revenait avec une sécheresse et une précision inouïes sur ces faits, mais vingt ans après ceux-ci, quand il était de nouveau possible de les regarder en face, une fois soldé le néoréalisme d’après-guerre qui en avait fait son socle mythologique.
Ce premier long-métrage, l’un des rares signés Gianfranco De Bosio (1924-2022), refait surface en salle dans une copie flambant neuve. Connu comme metteur en scène de théâtre de Brecht, De Bosio fut également une figure importante de la Résistance, membre du Comité de libération nationale (CNL), actif au sein des groupes d’action patriotique, les GAP, ces petites cellules autopilotées pour commettre des sabotages. L’homme savait donc de quoi il parlait au moment de ressaisir cette séquence clandestine, moins sous forme d’un récit que d’un rapport d’activité, avec cette austère lucidité de l’examen qui débrouillait de l’intérieur le mythe unitaire du partisanisme italien.
Nous sommes à l’hiver 1943, à Venise, peu de temps après la chute du régime fasciste, au printemps. Trois partisans s’organisent dans le presbytère d’une église pour commettre un attentat contre le siège de la Kommandantur, installé dans le palais des Doges : revêtus d’uniformes allemands, ils y livrent par bateau des caisses de bouteilles piégées. L’opération, pilotée de loin par un homme de l’ombre, Renato Braschi dit « l’ingénieur » (Gian Maria Volonté), échoue. Les dignitaires visés en réchappent, les seules victimes sont vénitiennes.
Tension palpable
La réponse de l’occupant ne se fait pas attendre : les partisans prisonniers seront fusillés. La section locale du CNL, qui rassemble diverses forces politiques des communistes aux libéraux, s’agite, les plus modérés plaident pour ne pas s’associer à ces frappes clandestines qualifiées de « terroristes ». On décide la désactivation du GAP jusqu’à nouvel ordre, mais « l’ingénieur » poursuit ses frappes stratégiques, agissant désormais hors de tout contrôle politique, quitte à se retrouver de plus en plus isolé, exposé.
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