Les détenus n’auront pas la possibilité de voter par correspondance aux élections municipales et législatives, selon une proposition de loi adoptée, jeudi 20 mars, au Sénat. L’initiative était soutenue par le gouvernement et est censée prévenir les risques de « déstabiliser l’expression démocratique » dans les communes où les prisonniers sont nombreux.
La proposition de loi de la sénatrice Laure Darcos (Horizons) a été adoptée à main levée en première lecture, avec les voix de la droite et des centristes. Elle entend répondre à une inquiétude de certains élus locaux qui voient la population carcérale prendre une part importante du corps électoral de leur commune, au point, selon eux, de pouvoir influer sur l’issue des scrutins.
En effet, depuis une loi de 2019, les détenus ont la possibilité de voter par correspondance dans le chef-lieu du département d’implantation de leur établissement pénitentiaire. Une évolution venue s’ajouter au vote par procuration déjà en place pour les prisonniers, qui peuvent également bénéficier d’autorisations de sortie pour aller voter, même si ces dernières sont rares.
Certains fustigent une « atteinte au droit de vote des détenus »
Mais, à l’approche des élections municipales de mars 2026, cet élargissement inquiète. « A Lille, l’élection municipale de 2020 s’est jouée à 227 voix près. Six ans plus tard, ce sont 400 détenus qui pourraient potentiellement participer à l’élection. Pouvons-nous accepter que l’avenir politique de la capitale des Flandres puisse être influencé par des électeurs qui n’ont (…) aucune attache avec ladite commune ? », s’est interrogé, devant les sénateurs, François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l’intérieur.
Face au « risque » que ce dispositif « déstabilise l’expression démocratique » locale, le ministre s’est engagé à œuvrer pour faire inscrire le texte prochainement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Dans sa version initiale, le texte prônait une autre option : maintenir ce vote par correspondance, mais en le diluant dans toutes les communes où les détenus peuvent s’inscrire dans le cadre du vote par procuration. Mais la Chambre haute a jugé cette option inapplicable en raison de contraintes logistiques (mise en place du matériel de vote, envoi et réception des enveloppes…).
Le texte voté au Sénat préserve néanmoins le vote par correspondance pour les élections présidentielle, européennes et pour les référendums. Il élargit par ailleurs les modalités du vote par procuration des détenus, qui pourront s’inscrire dans les communes de résidence de leurs enfants.
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Plusieurs sénateurs ont émis des réserves sur ce texte, comme Guy Benarroche (Les Ecologistes), qui a fustigé une « atteinte au droit de vote des détenus ». Marie-Pierre de La Gontrie (Parti socialiste) a, elle, épinglé « une difficulté insoluble » et des « contraintes irréconciliables » entre équité devant le vote et influence du vote des prisonniers, justifiant ainsi l’abstention du groupe PS.