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Avec sa façade victorienne vert et blanc, The Albion est une icône pour les habitants de Hackney, dans l’est de Londres. La devanture de ce pub, dont les origines remontent au XVIIe siècle, est pourtant condamnée. Il sera prochainement transformé en logement. Au Royaume-Uni, les débits de boissons sont à la peine. Sur les six premiers mois de l’année, 305 pubs ont dû mettre la clef sous le paillasson en Angleterre et au Pays de Galles. Ces deux régions n’en comptent plus que 39 096, un nombre historiquement bas.
Cette hécatombe est due à la fin d’une exemption fiscale introduite durant la pandémie. De 2020 à 2022, les pubs ont échappé à un impôt sur la valeur de leur propriété, qui leur coûte normalement 928 millions de livres par an (1,113 milliard d’euros). En 2023, les taxes prélevées sur le vin ont en outre crû de 20 %.
A cela s’ajoutent plusieurs années d’inflation effrénée. « Cela a eu un impact à la fois sur les clients, qui ne peuvent plus se permettre d’aller au pub, et sur les établissements, qui ont vu le coût de leurs factures énergétiques et de leurs matières premières augmenter fortement », explique Victoria Wells, professeure à l’université de York et experte du secteur.
« Seul espace de sociabilisation »
Mais si le phénomène s’est récemment accéléré, le pays a commencé à perdre des pubs il y a trois décennies déjà. Il en comptait 62 000 en 1992, marquant un déclin de 37 %. « Les débits de boissons peinent à recruter, note Victoria Wells. Les horaires de travail sont peu compatibles avec une vie privée et la paye est basse. »
Avant le Brexit, ces postes vacants étaient comblés par des ressortissants d’Europe de l’Est et du Sud, mais leur nombre a chuté drastiquement, car il leur faut désormais obtenir un coûteux visa de travail pour avoir le droit de séjourner au Royaume-Uni. Il est devenu commun de voir un pub fermé en pleine semaine par manque de personnel ou dont la cuisine est fermée car le gérant n’est pas parvenu à recruter un chef.
« Les zones rurales et les banlieues défavorisées sont les plus touchées, glisse Victoria Wells. Cela est particulièrement préoccupant, car ces établissements représentent souvent le seul espace de sociabilisation dans ces communautés qui ont déjà vu disparaître leurs bureaux de poste et leurs centres communautaires. »
Pour éviter la faillite, certains pubs ont commencé à proposer des chambres à l’étage aux touristes, à étendre leur offre gastronomique ou à héberger des mariages. Le pub à l’ancienne, celui avec des banquettes en cuir élimé et une moquette imbibée de bière, a-t-il vécu son dernier baroud d’honneur ?
