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Histoires Web samedi, novembre 9
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Planant et hypnotique autant qu’électrique, audacieux dans ses fusions entre références à la tradition musicale turque, dub et sons urbains, le nouvel album de Baba Zula, l’un des groupes les plus excitants de la scène underground stambouliote depuis plus de vingt-cinq ans, s’ouvre sur une annonce prévenant du départ imminent du train quittant Istanbul pour Munich. Une archive sonore empruntée au travail du renommé producteur turc de pièces radiophoniques Korkmaz Çakar.

Plus loin, entre les notes des luths saz et baglama électrifiés jouées par Osman Murat Ertel, voix principale (façon slam incantatoire) et fondateur du groupe, en 1996, avec Mehmet Levent Akman (machines, percussions), surgissent des cris de vendeurs de rue sur un bazar ou bien le son du Bosphore, mouettes, klaxons, sirènes des bateaux enchaînant les allers-retours entre les deux rives. « Le signe distinctif d’Istanbul, c’est le Bosphore, ce détroit reliant deux continents entre eux », soulignait Ertel dans l’excellent documentaire Crossing the Bridge (2005), réalisé par le cinéaste allemand d’origine turque Fatih Akin, qui témoignait du bouillonnement musical éclectique d’Istanbul.

« C’est notre ville, elle nous inspire, nous nourrit. Nous avons enregistré tous les bruits, les sons que l’on peut entendre dans la rue, et en en avons fait des taksim – des improvisations – sur nos instruments », nous expliquait Murat Ertel lors du passage de Baba Zula en France, en octobre, pour la soirée d’ouverture du festival francilien Villes des musiques du monde, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

Pamphlet

Au-delà du travail d’ambiances sonores élaboré à partir d’inserts de sons de la ville ou même de chants d’oiseaux du jardin de la maison des époux Ertel (Esma Ertel intervient au chant, et danse aussi sur scène avec le groupe), Istanbul Sokaklari (« rues d’Istanbul ») porte des messages forts, clairement critiques à l’égard des autorités du pays. En témoigne, entre autres, le titre Arsız Saksagan (« Pie effrontée »). Une métaphore. « La métaphore permet de tout dire sans se mettre en danger », souligne Murat Ertel.

Lire la critique : Article réservé à nos abonnés A Aubervilliers, la cohabitation heureuse du bal folk et du dance floor

Ils avancent pourtant à visage quasi découvert dans cette composition. Le chanteur scande en turc « Aux médias qui aveuglent, aux journalistes qui sont réduits au silence, aux personnes emprisonnées simplement pour s’être défendues ». Le clip illustrant ce pamphlet montre des images explicites de manifestations à Istanbul. On ne le verra évidemment jamais diffusé sur les chaînes de télévision, pas plus que les précédents. Depuis quinze ans, explique le musicien, ils n’ont pas été invités à la télévision, ni sur la radio nationale. « Quant aux autres chaînes, nous n’y passons pas plus. Elles s’autocensurent. Il n’y a pas vraiment de médias indépendants en Turquie. »

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