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Histoires Web mardi, mars 4
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CINÉ+ FESTIVAL – MARDI 4 MARS À 20 H 50 – FILM

Des gangsters qui sont en même temps de grands intellectuels, il n’y en a pas beaucoup. Si l’histoire retient – toutes proportions gardées – le cas de Lacenaire (1803-1836), le dernier long-métrage de Cédric Kahn nous rappelle l’existence de Pierre Goldman à travers la captivante reconstitution de son second procès.

Il s’inscrit dans le sillage de deux autres films de prétoire français, qui requalifient la société du point de vue des oppressés. Une mère infanticide et femme de lettres d’origine sénégalaise confrontée aux préjugés racistes dans Saint Omer (2022). La suspicion engendrée par le mode de vie d’une écrivaine à succès, après la mort de son mari dans Anatomie d’une chute (2023).

Pierre Goldman était le fils de résistants juifs d’origine polonaise. Entouré de Noirs, il rêvait que ses enfants « soient des juifs au sang nègre ». Militant d’extrême gauche, poursuivi pour des braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes, le 19 décembre 1969 à Paris, il a été condamné en première instance, en 1974, à la réclusion criminelle à perpétuité.

Prodigieux face-à-face

En prison, il a tenté d’éclairer le mystère de sa vie dans un livre, Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France (Seuil, 1975). La gauche de l’époque et des célébrités, de Régis Debray à Simone Signoret, ont réuni autour de lui des comités de soutien. Ajoutons qu’il était aussi le demi-frère de Jean-Jacques Goldman qui connut son premier succès à la même période, avec le slow d’été Sister Jane.

C’est dans ce climat fébrile que débute, en novembre 1975, son second procès, objet tout entier du film. Il fut son moment de grâce et sa dernière gloire. Après coup, comment retrouver l’alchimie de cette épiphanie ? De la même manière que Pierre Goldman projetait de se « présenter avec [sa] seule innocence », sans recourir au moindre témoin pour sa défense, Cédric Kahn a effacé l’aspect théâtral de la cour pour y tisser une étoffe autrement drue. Il nous donne l’impression de plonger dans des archives. A moins que ce ne soit dans un guet-apens… Une fois entrés dans le tribunal, nous n’en sortirons plus.

Au milieu de la lutte rhétorique, dans de prodigieux face-à-face, le film impressionne une matière sensible qui doit beaucoup à la fiction : des acteurs au firmament, un recadrage scénaristique qui amplifie la matière brûlante du dossier (antisémitisme, racisme, violences policières) et une dilution de l’instance juridique dans des inserts prélevés parmi le public, en particulier le visage de la compagne de Goldman, femme noire devant la justice blanche.

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés Aux obsèques du militant révolutionnaire Pierre Goldman, l’enterrement d’une époque

A la différence de Roberto Succo (2001), son quatrième long-métrage, le réalisateur ne tranche pas. Il prend le parti de la défense, celui du bénéfice du doute, défendu par Me Georges Kiejman, puisqu’il n’y a pas de preuve incontestable de culpabilité.

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Le plus fort du film se trouve dans la relation complexe de ces deux hommes, tous deux enfants de la Shoah. D’un côté, Goldman, écorché vif et autodestructeur, plaide pour des idéaux, de l’autre, Kiejman, résilient et rationnel, s’attelle à libérer l’homme. C’est dans cette faille creusée dans la même roche que le film dessine les ombres irréconciliables de ce grand procès.

Le Procès Goldman, de Cédric Kahn. Avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Nicolas Briançon (Fr., 2023, 115 min).

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