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Marine Le Pen a pu mesurer, depuis fin novembre, l’influence qu’elle a acquise sur la scène politique française. La présidente du groupe parlementaire Rassemblement national (RN) a d’abord tenu en joue le premier ministre en faisant monter les enchères autour des amendements qu’elle défendait dans le cadre de la discussion des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale. En quelques jours, elle a obtenu l’abandon des taxes sur l’électricité, la refonte de l’aide médicale d’Etat, la réforme du mode de scrutin législatif, l’annulation du déremboursement de certains médicaments.

Puis, estimant avoir suffisamment joué, elle a choisi de renverser Michel Barnier et son gouvernement. Elle a annoncé, lundi 2 décembre, que les 124 députés de son groupe voteraient les deux motions de censure qui devaient être débattues mercredi 3 décembre dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale : celle déposée par son parti, mais aussi celle rédigée par son adversaire, la gauche, puisqu’il faut coaliser les voix pour obtenir la censure. S’ils acceptent de s’exécuter, les députés du RN devraient ainsi voter une motion qui dénonce, à propos de l’immigration, « leurs plus viles obsessions ».

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Si tout se passe comme l’a prévu Marine Le Pen, il n’y aura plus en milieu de semaine de premier ministre, de gouvernement ni de textes financiers pour cadrer l’action de l’Etat et de la Sécurité sociale en 2025. Un plongeon dans l’inconnu, sans plan B ni majorité de rechange, dont Michel Barnier a esquissé, mardi 3 décembre, les conséquences. « La situation est déjà difficile. Tout sera plus difficile et plus grave », a-t-il résumé, en listant l’incertitude politique, la hausse des taux d’intérêt et les pertes que vont mécaniquement subir, faute de textes, ceux que Marine Le Pen prétend pourtant protéger.

Un pays en tension

Là résident les limites du coup de Marine Le Pen : pas de gain évident et le risque d’inquiéter les clientèles que le RN courtise assidûment, retraités en quête de tranquillité, chefs d’entreprise en recherche de stabilité et de visibilité. En quelques minutes, elle a pulvérisé la stratégie de normalisation qu’elle menait avec constance.

Fini le mythe de la marche tranquille vers le pouvoir, écaillé le vernis de respectabilité dont elle avait voulu parer ses troupes. Sous prétexte de répondre à la colère de sa base, elle a laissé éclater la sienne, qui l’accompagne depuis les réquisitoires du procès des assistants parlementaires européens du Front national (ancien nom du RN). Le jugement sera connu le 31 mars. Elle risque l’inéligibilité.

L’extrême droite n’est forte que lorsque ceux qui prétendent la combattre lui offrent une prise. Tout sépare Jean-Luc Mélenchon de Marine Le Pen sauf un objectif commun : obtenir la démission d’Emmanuel Macron le plus rapidement possible. C’est pourquoi La France insoumise ne s’offusque en rien de la « coalition des contraires » qui met aujourd’hui le pays en tension.

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Au sein du Parti socialiste, les consciences sont moins tranquilles, mais le chef du gouvernement n’a rien fait ces trois derniers mois pour tenter de tisser des ponts solides avec la gauche modérée. Son tropisme était à droite, l’obsession du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, la seule vedette du gouvernement, était de récupérer l’électorat parti au RN au prix d’une surenchère autour de l’immigration Dans le cadre d’un tripartisme sans majorité, le jeu était particulièrement dangereux. Le piège s’est refermé.

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Le Monde

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