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Pourquoi le pape, âgé de 87 ans et à la santé fragile, tenait-il tant à ce voyage de douze jours à travers quatre pays d’Asie du Sud-Est ? Selon Michel Chambon, anthropologue et théologien catholique, les enjeux sont aussi religieux que politiques. Pour ce spécialiste du catholicisme en Asie, qu’il étudie depuis l’Université nationale de Singapour, cité-Etat où le souverain pontife doit se rendre du 11 au 13 septembre, François cherche à envoyer un message à la fois à son Eglise et aux grandes puissances mondiales, à commencer par la Chine.

Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Timor oriental, Singapour… Ce voyage est le plus long du pontificat, tant en matière de durée que de kilomètres parcourus. Comment expliquer son importance aux yeux du Saint-Siège ?

La situation a des aspects radicalement différents d’un pays à l’autre, mais on peut néanmoins identifier trois grands enjeux. Le premier objectif est, à mon sens, de réaffirmer l’union de tous les catholiques du monde, par l’affichage d’une communion entre le pape, l’Eglise universelle et les catholiques asiatiques : c’est une manière de répondre aux voix discordantes qui émanent des opposants de François, notamment en Occident.

Le deuxième but de ce voyage est, selon moi, d’encourager les catholiques locaux à se retrousser les manches sur un certain nombre de sujets, que ce soit dans le dialogue interreligieux, le changement climatique ou la justice sociale. A Singapour, par exemple, l’Eglise catholique bénéficie de nombreux avantages, elle a de bons liens avec le gouvernement, une aisance financière réelle, des fidèles (environ 4,5 % de la population) très pieux et pratiquants, etc. En bref, une situation qui n’incite guère à sortir de sa zone de confort pour se faire entendre sur des sujets chers au Vatican comme l’abolition de la peine de mort ou les migrants.

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Autre exemple : au Timor oriental, les catholiques représentent 97 % de la population. Le pape est donc en droit d’attendre de l’Eglise locale, qui bénéficie de prestige et de leviers socio-économiques, qu’elle s’investisse plus dans le développement durable et la justice sociale. Face aux difficultés économiques de ce pays en développement, de plus en plus de jeunes doutent de l’Eglise.

Enfin, le troisième grand thème est évidemment la géopolitique. Il s’agit, comme cela a beaucoup été dit depuis le début du voyage, d’envoyer un message aux grandes puissances du monde sur des sujets comme la question interreligieuse, le rejet de la guerre ou la lutte environnementale. Mais le Vatican a aussi un intérêt propre, aux confins de la théologie et de la géostratégie : celui de manifester la souveraineté universelle que la papauté revendique. La Chine suit d’ailleurs ce voyage de très près et reste attentive à la manière dont François illustre concrètement cette souveraineté universelle.

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