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Histoires Web dimanche, avril 13
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Annisee Papialuk est née il y a cinquante ans à Kuujjuarapik, un ancien comptoir de traite de fourrures établi au XVIIIsiècle. Blotti dans les dunes, ce village de 800 âmes est situé dans l’Arctique, dans le sud du Nunavik, l’une des quatre terres ancestrales du peuple autochtone des Inuits. Avec ses 13 000 habitants et ses 500 000 kilomètres carrés, le Nunavik occupe plus d’un tiers de la superficie du Québec. Le Nord, comme ses habitants l’appellent, n’est jamais loin dans l’esprit de la quinquagénaire. Mais il lui faut compter à deux reprises sur ses doigts pour réaliser que cela va faire vingt ans qu’elle a atterri à Montréal.

La neige fraîche tombée sur la métropole québécoise s’est transformée en une croûte épaisse, noircie par les gaz d’échappement, mais le sourire éclatant d’Annisee Papialuk et son foulard bleu assurent le contraste. Sur sa main, un nom tatoué : « Perla ». En réalité, il est formé par les initiales des prénoms de ses enfants, qu’elle a laissés en fuyant le Nunavik, pourtant appelé « l’endroit où vivre » en inuktitut, la langue des Inuits. « Je les ai dans ma peau », dit-elle. Elle ne les a jamais revus depuis son départ, précipité par les coups de son mari. « J’ai fui le Nord et ses problèmes. Je ne m’ennuie que de la chasse au phoque, au caribou ou au lapin. Ça manque un peu ici, non ? » Un écureuil s’arrête plus loin sur le trottoir, mais seul un couple de Français semble intéressé.

Le corps de la quinquagénaire conserve les traces de ce chemin cabossé. Elle montre son épaule abîmée, cette blessure qui l’a amenée à Montréal. Comme d’autres habitants du Grand Nord, elle est arrivée par un vol affrété par Air Inuit, afin de se faire soigner en ville, faute de radiologues dans sa région. Les Inuits qui font le trajet – le coût est pris en charge conjointement par Ottawa et le gouvernement de la province de Québec – séjournent au centre Ullivik (« un endroit pour attendre ou rester », en inuktitut), ouvert en 2016 pour les accueillir pendant leurs soins médicaux. Ils sont de plus en plus nombreux à faire le voyage : pour l’année 2023-2024, 6 900 patients sont venus se faire soigner à Montréal, contre 5 000 quatre ans plus tôt, selon les autorités de santé du Nunavik.

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