Pour ceux qui avaient un doute, Donald Trump a au moins le mérite de clarifier les choses : la droite existe et parle fort. Comme souvent dans le passé, elle prend la forme d’un mélange de nationalisme brutal, de conservatisme sociétal et de libéralisme économique débridé. On pourrait qualifier le trumpisme de national-libéralisme ou, plus justement, de national-capitalisme. Les saillies trumpistes sur le Groenland et Panama montrent son attachement au capitalisme autoritaire et extractiviste le plus agressif, qui est au fond la forme réelle et concrète qu’a pris le plus souvent le libéralisme économique dans l’histoire, comme vient de le rappeler Arnaud Orain dans Le Monde confisqué. Essai sur le capitalisme de la finitude, XVIe-XXIe siècle (Flammarion, 368 pages, 23,90 euros).
Disons-le clairement : le national-capitalisme trumpiste aime étaler sa force, mais il est, en réalité, fragile et aux abois. L’Europe a les moyens d’y faire face, à condition de reprendre confiance en elle-même, de nouer de nouvelles alliances et d’analyser sereinement les atouts et les limites de cette matrice idéologique.
L’Europe est bien placée pour cela : elle a longtemps appuyé son développement sur un schéma militaro-extractiviste similaire, pour le meilleur et pour le pire. Après avoir pris le contrôle par la force des voies maritimes, des matières premières et du marché textile mondial, les puissances européennes imposent, tout au long du XIXe siècle, des tributs coloniaux à tous les pays récalcitrants, d’Haïti à la Chine en passant par le Maroc. A la veille de 1914, elles se livrent une lutte féroce pour le contrôle des territoires, des ressources et du capitalisme mondial. Elles s’imposent même des tributs entre elles, de plus en plus exorbitants, la Prusse à la France en 1871, puis la France à l’Allemagne en 1919 : 132 milliards de marks-or, soit plus de trois années de PIB allemand de l’époque. Autant que le tribut imposé à Haïti en 1825, sauf que cette fois-ci l’Allemagne a les moyens de se défendre. L’escalade sans fin conduit à l’effondrement du système et de l’hubris européen.
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