La Tate Britain, l’un des principaux musées du Royaume-Uni, va restituer aux ayants droit d’un collectionneur d’art juif spolié pendant la seconde guerre mondiale une toile du peintre anglais Henry Gibbs, a annoncé samedi 29 mars le ministère de la culture britannique.
Enée et sa famille fuyant Troie brûlante, peinture à l’huile datant de 1654 représentant le héros troyen Enée essayant de sauver sa famille de la ville en flammes, avait été volée à Samuel Hartveld. Ce collectionneur juif avait dû quitter sa maison d’Anvers, en Belgique, en mai 1940, en pleine offensive des troupes allemandes.
Le Spoliation Advisory Panel, un comité spécial créé par le gouvernement britannique, a statué que cette œuvre avait bien été spoliée et qu’elle devait, dès lors, être rendue aux descendants de Samuel Hartveld. Aucune date de restitution n’a, pour l’heure, été précisée.
« Cette décision reconnaît clairement la terrible persécution nazie qu’a subie Samuel Hartveld », a réagi le trust représentant ses héritiers, cité dans le communiqué du ministère, saluant également la réaction du musée. « Hartveld a survécu à la seconde guerre mondiale mais n’a jamais retrouvé la collection d’art qu’il avait dû abandonner », a souligné la directrice du musée, Maria Balshaw, citée dans le communiqué, disant se réjouir de recevoir les héritiers « dans les prochains mois » pour la restitution de l’œuvre.
Une demande formelle lancée en mai 2024
Le musée avait acheté l’œuvre à la Galerie Jan de Maere, à Bruxelles, en 1994, sans savoir qu’il s’agissait d’un tableau spolié. Le trust établi par les héritiers de Hartveld avait lancé une demande formelle en mai 2024.
Durant la seconde guerre mondiale, les nazis ont pillé méthodiquement les œuvres d’art détenues par les Juifs, qui ont été revendues, collectionnées par des hauts dignitaires ou destinées au mégaprojet de musée Führermuseum de Hitler.
Juste avant la fin de la guerre, les Etats-Unis ont envoyé en Europe des équipes de directeurs de musées, de conservateurs et d’experts en art pour sauver des trésors culturels. Leurs efforts ont permis de restituer rapidement de nombreuses œuvres pillées à leurs propriétaires. Mais sur les 650 000 pièces volées, environ 100 000 n’avaient pas été restituées en 2009, selon les chiffres publiés lors d’une conférence internationale à Terezin, en République tchèque, cette année-là.
En France, une loi-cadre du 22 juillet 2023 a ouvert une dérogation au principe d’inaliénabilité des œuvres dans les musées, à la condition qu’il s’agisse de biens spoliés dans le contexte des persécutions antisémites. Ont suivi plusieurs restitutions dont en mai dernier deux tableaux d’Auguste Renoir et d’Alfred Sisley. Les toiles ont été restituées aux ayants droit d’un galeriste juif, Grégoire Schusterman (1889-1976), spolié pendant l’Occupation.