« Le Monde vous répond » – Sur l’omniprésence de Donald Trump dans les médias

Merci tout d’abord pour l’ensemble de l’excellent travail de votre rédaction que nous lisons depuis plus de quarante ans ! Une remarque que nous avons entendue de Guillaume Erner ce matin sur France Culture, qui se demandait à juste titre si les journalistes n’en faisaient pas trop sur [Donald] Trump (il le démontrait dans un podcast sur Steve Bannon qui disait, lors de « Trump 1 », que sa stratégie était de saturer les médias d’infos pour limiter la réponse journalistique) sans toutefois donner de réponse…

Nous pensons pour notre part que le journalisme contemporain tombe dangereusement un peu trop vite dans cette réaction immédiate et ce piège, comme du reste nous l’avons déjà vu auparavant pour le traitement français du Front national puis du RN qui en est sorti renforcé. D’autant plus que Trump lui-même doit être conforté par tout ce retour de la presse internationale à son sujet, ce qui ne nous aide pas beaucoup pour la suite avec ses dérives autocratiques personnelles.

C’est pour cela que nous souhaiterions que vous preniez garde à cette surenchère pas toujours pertinente au niveau des contenus. Est-il nécessaire d’avoir autant d’infos en bref sur votre site internet, voire même un menu « Trump » dédié ? Votre indexation et votre moteur de recherche nous semblent bien suffisants… En revanche, oui pour articles de fond plus longs savamment dosés et dans le bon timing.

N’oubliez pas que cette surenchère finira également par plomber un peu plus le moral de tous vos lecteurs, ce qui vous affectera peut-être aussi en retour ;)) Qu’est-ce que vous en pensez au sein de votre rédaction ? Y a-t-il un débat à ce sujet ?

François Besson, Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes)

Gilles van Kote, directeur délégué aux relations avec les lecteurs, vous répond :

Vous nous alertez à juste titre sur le risque pour des médias comme Le Monde de surréagir aux sorties quotidiennes de Donald Trump, bien souvent assorties de déclarations fracassantes visant notamment à saturer l’espace médiatique. Nous sommes bien conscients de ce risque et nous efforçons toujours d’analyser la portée de ces déclarations et de les mettre en perspective dans des articles d’approfondissement.

Nous avons eu l’occasion de débattre de ce sujet lors d’une de nos réunions hebdomadaires, internes à la rédaction du Monde, avec la participation en visioconférence d’Arnaud Leparmentier et Piotr Smolar, nos correspondants à New York et Washington. Il en est ressorti qu’il nous fallait continuer d’exercer le mieux possible notre mission d’information et de raconter le plus fidèlement possible les premiers mois de l’administration « Trump 2 », avec le recul et la distance nécessaires à l’exercice de notre métier de journalistes.

Force est de reconnaître que nous sommes amenés à publier de nombreux articles d’information, analyses, éditoriaux et tribunes d’opinion consacrées aux annonces, actions et prises de position du président américain et de ses proches. Cela nous semble justifié et nécessaire alors que le monde rencontre une situation inédite dont les conséquences sur les équilibres internationaux – sur les plans géostratégique, politique et économique notamment – seront sans doute gigantesques.

Nous traversons, qu’on le veuille ou non, une période historique et le rôle d’un média comme le nôtre est de la raconter le plus fidèlement et exhaustivement possible, sans être dupe des gesticulations d’un acteur de l’actualité ou d’un autre, et sans tomber dans l’anecdote. Nous le devons à nos lecteurs et à nos lectrices, dont le haut niveau d’exigence nous oblige.