La France est entrée à son tour dans un hiver démographique. Pendant des décennies, le pays a fait figure d’exception dans un monde développé qui faisait de moins en moins de bébés. Le bilan démographique annuel de l’Insee présenté mardi 14 janvier confirme que ce n’est plus le cas. Année après année, la France se normalise, avec une baisse régulière du taux de fécondité. Celui-ci n’est plus capable d’assurer le renouvellement des générations, et accentue la déformation de notre pyramide des âges avec un vieillissement de plus en plus marqué.
La chute des naissances s’est amorcée en 2011. En quinze ans, le nombre de nouveau-nés a baissé de plus de 21 %, à 663 000 en 2024. Pour retrouver un tel niveau, il faut remonter à 1945. La raison tient au recul du taux de fécondité, qui est tombé à 1,62 enfant par femme. Du jamais-vu depuis la fin de la première guerre mondiale.
Même si la France reste le pays où la fécondité est la plus élevée au sein de l’Union européenne, même si la population française continue à augmenter grâce à un nombre de décès inférieur à celui des naissances, la situation doit alerter, car une démographie déclinante et vieillissante – l’espérance de vie a encore progressé d’un an depuis 2010 – menace la stabilité socio-économique du pays.
Un cercle vicieux est à l’œuvre : la baisse du nombre des actifs fait que les efforts qu’ils fournissent pour financer la protection sociale (retraites et santé) sont de plus en plus importants. Cette pression grandissante dissuade de faire des enfants, aggravant encore le vieillissement. Celui-ci amenuise la prise de risque ; le rythme de la croissance et de la productivité ralentit, et le financement du modèle social devient insoutenable.
Il y a un an, Emmanuel Macron avait appelé à un « réarmement démographique ». Il s’agissait de déployer un « grand plan contre l’infertilité » et d’instaurer un « congé de naissance ». La dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin 2024, a laissé en jachère ce chantier présidentiel, mal nommé, insuffisamment doté et surtout ciblé sur des mesures trop limitées pour provoquer le sursaut espéré.
Relancer la natalité est un mécanisme complexe. Les régimes autocratiques (Chine ou Russie), illibéraux (Hongrie) ou démocratiques (Japon, Italie ou Allemagne) y ont tous échoué. On a beau sensibiliser, inciter ou contraindre, le désir d’enfant reste une décision éminemment individuelle, qui a surtout besoin d’un environnement propice pour se concrétiser.
Allocations et exonérations sont nécessaires, mais pas suffisantes. La corrélation entre argent public et natalité n’a rien de mécanique. Les flux migratoires sont utiles pour combler les pénuries de main-d’œuvre mais sensibles politiquement ; ils ne rééquilibrent qu’imparfaitement la structure de la pyramide des âges.
La baisse de la natalité a des causes multifactorielles qu’il est indispensable de prendre en compte de façon globale et cohérente. Fonder une famille nécessite de pouvoir accéder à un logement adapté, là où il y a du travail, d’avoir à disposition des modes de garde permettant de concilier activité professionnelle et parentalité, et enfin, de disposer d’un pouvoir d’achat suffisant, alors qu’en France le travail paye de moins en moins bien.
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Tant que ces obstacles ne seront pas surmontés, il est illusoire d’espérer relancer la natalité. Cela suppose de rééquilibrer les politiques publiques en direction des actifs et de la jeunesse, grâce à une remise à plat de la fiscalité et du financement de notre modèle social.