Sénat, 9 avril. La ministre de l’éducation nationale, Elisabeth Borne, souhaite que « la pause numérique soit généralisée à tous les collèges à la prochaine rentrée » du fait des « nombreuses conséquences néfastes des écrans », et afin d’assurer le « bien-être et la réussite [des] élèves ».
Ministère de l’éducation nationale, 7 février. La même ministre ne semble pas s’émouvoir que la « quasi-totalité des étudiants et des lycéens utilisent déjà l’IA [intelligence artificielle], ainsi qu’un grand nombre de collégiens ». Elle s’alarme au contraire du fait que « seulement 20 % des professeurs se saisissent régulièrement de l’IA ». Aussi annonce-t-elle avec emphase un « accompagnement de l’ensemble de la communauté éducative dans l’appropriation éclairée » de cette « révolution en marche ». Cela passera par des formations obligatoires pour les élèves, ainsi que par des investissements de plus de 20 millions d’euros dans des IA à destination des personnels et des usagers.
Entre les deux déclarations, deux mois, une éternité. Un grand écart surtout. La contradiction n’est pas nouvelle. Elle remonte au moins à Jean-Michel Blanquer [ministre de l’éducation nationale de 2017 à 2022]. Dès les premiers mois de son ministère, il annonce une interdiction des téléphones portables à l’école et au collège, afin de « protéger [les] élèves de la dispersion occasionnée par les écrans et les téléphones » – de fait, l’usage des téléphones portables n’est pas interdit, mais encadré. Quelques mois plus tard, il crée, au sein du ministère, le 110 bis, un « lab » conçu pour que des marchands d’écrans viennent faire la démonstration de leurs outils numériques. Il annoncera par la suite que l’« éducation de demain » se fera avec des robots et des casques de réalité virtuelle.
Depuis, cette communication contradictoire n’a jamais cessé, qu’elle s’adresse aux personnels, aux élèves ou aux familles. Gabriel Attal, en janvier 2024, s’émeut de la « catastrophe éducative et sanitaire en puissance » des écrans, tout en ayant annoncé, un mois plus tôt, la généralisation des IA dans la scolarité. Plus récemment, Elisabeth Borne appelle à « se déconnecter des espaces numériques de travail [ENT] et de Pronote, en veillant à ce que, sur une période qui, à défaut serait 20 heures-7 heures, il n’y ait plus d’actualisation ».
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