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Histoires Web mercredi, septembre 18
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La sainteté n’est pas toujours religieuse, à moins que la république ne soit une nouvelle religion. Cette tension se cristallise dans une figure, celle du « saint laïque », qui émerge dans des lettres tout au long du XIXe siècle sous l’impulsion du romantisme social, un courant au croisement de la littérature et de la politique. Maîtresse de conférences en langue et littérature françaises à l’université de Lorraine, Magalie Myoupo a consacré sa thèse à cet imaginaire. Soutenue à la Sorbonne en 2018, elle vient de paraître sous le titre Des saints laïques. Figures exemplaires dans la littérature du XIXe siècle (Presses universitaires de Lyon, 2023, 256 pages, 20 euros).

Comment naît l’idée d’une sainteté laïque, dont vous étudiez les représentations dans la littérature du XIXe siècle ?

Magalie Myoupo : L’expression d’une « sainteté laïque » fait partie du langage courant, mais elle m’a toujours étonnée car elle réunit deux notions a priori inconciliables. Comme je m’intéressais aux liens entre littérature et spiritualité, j’ai eu envie d’explorer cette notion dans le cadre de ma thèse afin de retracer son émergence et son évolution tout au long du XIXe siècle, c’est-à-dire l’appropriation par les républicains d’une esthétique catholique à travers le genre du récit de saint, l’hagiographie.

Comment se joue ce transfert du modèle de la sainteté ?

Après la Révolution française, l’évangélisation apparaît à l’Eglise et à certains auteurs catholiques comme un outil capital pour rétablir les cadres de la monarchie. La première grande manifestation de cette tentative est signée par Chateaubriand, avec Le Génie du christianisme, en 1802. La Restauration (1815-1830) correspond en particulier à un intense moment d’affirmation de cet héritage chrétien, qui s’exprime ensuite sous la monarchie de Juillet (1830-1848) par une politique à destination du peuple très centrée sur la religion.

Cette poussée s’accompagne d’une forte réaction contre l’Eglise catholique à partir des années 1840, où des figures comme l’historien Jules Michelet, le poète Alphonse de Lamartine ou encore l’écrivaine George Sand se mettent à investir l’imaginaire hagiographique.

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Deux grandes tendances se dessinent alors : du côté des historiens, l’enjeu est de développer une nouvelle éducation fondée sur un principe d’émancipation, et non plus d’imitation ; quant aux écrivains, ils investissent le genre narratif de l’hagiographie en reprenant des modèles, comme le martyre et l’ascèse, qui permettront de sublimer des figures du peuple.

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