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Histoires Web dimanche, juillet 7
Bulletin

Otage de facto du bras de fer entre la Russie et la France, Laurent Vinatier restera cet été en prison à Moscou. Près d’un mois après l’arrestation du Français, spécialiste de l’espace post-soviétique et employé de l’organisation suisse Centre pour le dialogue humanitaire (HD), la justice russe a, jeudi 4 juillet, rejeté son appel de demande de remise en liberté. Le tribunal du district de Zamoskvoretsky, à Moscou, a décidé de le maintenir en détention provisoire jusqu’au 5 août. Laurent Vinatier, qui est apparu par lien visio depuis sa prison, crâne rasé, visage fatigué, est formellement poursuivi pour avoir violé la loi sur les « agents de l’étranger ». Lors d’une précédente audience, il avait déjà reconnu ne pas s’être enregistré sur ce registre, a priori plutôt réservé aux Russes soupçonnés d’avoir des activités politiques et d’être financés depuis l’étranger, mais qui peut concerner les étrangers. Le Français, qui voyageait fréquemment en Russie, s’en est excusé, assurant ignorer que la loi russe l’y obligeait.

La plus grande confusion règne sur les bases réelles de l’arrestation et des poursuites judiciaires. Le comité d’enquête, puissant organe judiciaire répondant directement du Kremlin, soupçonne Laurent Vinatier d’avoir collecté depuis plusieurs années des informations sur les activités militaires russes qui « pourraient être utilisées contre la sécurité de l’Etat ». Une formulation utilisée par le comité dès le jour de l’arrestation, le 6 juin, lorsque le Français de 47 ans avait été interpellé à la terrasse d’un café de Moscou, emmené par des policiers cagoulés. Cette accusation frise celle d’espionnage, chef d’accusation bien plus grave que le délit de non-enregistrement : le premier est passible jusqu’à vingt ans de prison, le second de seulement cinq.

Le comité d’enquête se fonde sur l’article 330.1 dont le champ d’application est vague. Il permettrait des poursuites à la fois pour le non-enregistrement et pour la collecte d’informations sensibles. Dans un communiqué publié la veille de l’audience, le 3 juillet, le comité d’enquête a laissé entendre que le Français aurait reconnu sa culpabilité sur l’ensemble de ces faits, ce que réfutent ses proches. Il lui serait aussi reproché d’avoir obtenu des documents. Dans ce cas, l’affaire se rapprocherait de celle d’Evan Gershkovich, 32 ans, le correspondant du Wall Street Journal, premier journaliste occidental arrêté pour espionnage en Russie depuis la fin de la guerre froide. Les services de sécurité russes (FSB, l’un des héritiers du KGB) l’accusent d’avoir « collecté des informations sur une entreprise du complexe militaro-industriel russe », un crime passible de vingt ans de prison. Quinze mois après son arrestation et une longue procédure classée secrète au cours de laquelle les enquêteurs n’ont jamais présenté publiquement le moindre élément de preuve, son procès a commencé le 26 juin à huis clos. A terme, Evan Gershkovich, pourrait être échangé par Washington contre des Russes détenus en Occident.

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