L’Assemblée nationale a adopté le 6 février une proposition de loi des Républicains soutenue par le gouvernement, visant à restreindre le droit du sol à Mayotte, quelques jours après que le premier ministre François Bayrou avait affirmé qu’il y avait en France « un sentiment de submersion » migratoire. Gérald Darmanin, ministre de la justice, propose d’ouvrir le débat sur cette remise en cause du droit du sol à l’ensemble du territoire national par une réforme de la Constitution. Marine Le Pen exige sa suppression pure et simple et un référendum sur la question afin d’« arrêter de blabater ».
Depuis plus de trente ans, sous l’effet de la montée de l’extrême droite, le droit du sol, ou jus soli (qui se définit comme l’attribution d’une nationalité à une personne en raison de sa naissance sur un territoire par opposition au droit du sang), est accusé de tous les maux et de toutes les invasions. La lecture des archives du Monde démontre comment cette notion a été accommodée à bien des sauces.
Jusqu’au milieu des années 1980, la question n’en était pas une, en France du moins. Le droit du sol, vieux principe conforté par une ordonnance d’octobre 1945, va sans dire. Pour preuve, aucune occurrence n’apparaît pendant près de quarante ans dans les archives du Monde et dans ses pages de politique intérieure. En revanche, le droit du sol fait déjà l’objet de débats en Belgique. L’expression apparaît pour la première fois dans les colonnes du service étranger, le 28 juillet 1962. Le droit du sol est alors une revendication portée… par l’extrême droite flamande qui le lie à une obligation linguistique.
Un débat récurrent en Flandre
A Anvers (Flandre), rapporte une dépêche AFP reprise dans le quotidien, « depuis plusieurs mois, chaque dimanche, des manifestants flamands perturbaient l’unique sermon dit en français par le prêtre de l’église du Saint-Esprit ». « Ils remuaient des chaises, toussaient avec ostentation, disaient des prières ou chantaient à haute voix, lançaient des boules puantes, poursuit l’article moqueur. La police a dû intervenir fréquemment. Tandis que les spécialistes de l’obstruction couvraient ainsi de leur vacarme le sermon prononcé par le prêtre, devant l’église des sympathisants porteurs de banderoles et de porte-voix scandaient des slogans “anti-fransquillons”. La thèse de ces extrémistes flamands est que le “droit du sol flamand” doit être respecté et que ceux qui habitent la Flandre, d’où qu’ils viennent, doivent se plier à la loi de la majorité et “parler flamand comme tout le monde”. » La messe en français fut supprimée.
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