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Histoires Web vendredi, janvier 24
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En 2021, une recherche sur le soutien au pétainisme des anciens combattants français réveilla la querelle entre économistes et historiens. Des économistes pensaient avoir construit un modèle statistique pertinent pour mesurer la politisation des soldats de 14-18 et comprendre les bases sociales du pétainisme. Que nenni, répondirent en chœur des historiennes et des historiens agacés, qui prirent la décision de pointer très vite les erreurs méthodologiques et interprétatives : insuffisances bibliographiques, illusion statistique, culte des données, absence de prise en compte des acteurs. Surtout, ils soulignèrent les dangers de la montée en généralité, jugée comme non seulement erronée dans ce cas, mais d’abord peu respectueuse de décennies de recherche en histoire.

Aux Etats-Unis, l’histoire du capitalisme a connu un beau succès depuis une quinzaine d’années, valant même à ses défenseurs les honneurs rares de la une du New York Times. Avec enthousiasme, historiennes et historiens ont travaillé sur la prise de risque, le crédit, la financiarisation ou encore la dette, et se sont attelés à « dénaturaliser » le capitalisme pour enfin le comprendre. De façon surprenante, le dialogue avec les économistes a été inexistant, et ceux-ci s’interrogent souvent sur le refus de définir les concepts utilisés, notamment celui de capitalisme. Que faire finalement de cette succession d’analyses de cas, guère interdisciplinaires, et refusant toute théorisation de l’objet choisi ?

Encore plus qu’un « dialogue de sourds », les rapports entre ces deux disciplines tournent parfois à la bataille rangée, surtout quand les économistes décident de s’aventurer vers des objets non économiques qu’ils interprètent avec leurs méthodologies, ou que les historiens snobent volontairement ces derniers.

Banalités scientifiques

Il est important de revenir au cœur de ce débat interdisciplinaire portant sur l’importante question de la généralisation. A quel moment est-il possible de monter en généralité à partir d’un ou plusieurs terrains archivistiques, une expérience randomisée ou un test empirique ? A quel instant les résultats empiriques deviennent-ils décroissants et rendent possible la généralisation par épuisement des cas particuliers ? La principale ligne de partage entre les deux disciplines se situe sans doute là, et doit beaucoup à leur évolution depuis une cinquantaine d’années aussi bien en termes de validation scientifique que d’autorité sociale et professionnelle.

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